otif d'excitation de plus. Mais alors mes sentiments
etaient bien changes; je savais que la vie d'une autre etait attachee a la
mienne. Que serait-ce donc si le demon disait vrai? Ne plus la revoir,
jamais! jamais!... Affreuse pensee--et je cheminais affaisse sur ma selle,
sous l'influence d'une amere tristesse. Mais je me sentais porte par mon
cher Moro qui semblait reconnaitre son cavalier; son dos elastique se
soulevait sous moi; mon ame repondait a la sienne, et les effluves de son
ardeur reagissaient sur moi. Un instant apres je rassemblais les renes et
je m'elancais au galop pour rejoindre mes compagnons. La route, bordant la
riviere, la traversant de temps en temps au moyen de gues peu profonds,
serpentait a travers les vallees garnies de bois touffus.
Le chemin etait difficile a cause des broussailles epaisses; et quoique
les arbres eussent ete entailles pour etablir la route, on n'y voyait
aucun signe de passage anterieur, a peine quelques pas, de cheval. Le pays
paraissait sauvage et completement inhabite. Nous en voyions la preuve
dans les rencontres frequentes de daims et d'antilopes, qui traversaient
le chemin et sortaient des taillis sous le nez de nos chevaux. De temps en
temps, la route s'eloignait beaucoup de la riviere pour eviter ses coudes
nombreux. Plusieurs fois nous traversames de larges espaces ou de grands
arbres avaient ete abattus, et ou des defrichements avaient ete pratiques;
mais cela devait remonter a une epoque tres reculee, car la terre qui
avait ete remuee avec la charrue, etait maintenant couverte de fourres
epais et impenetrables. Quelques troncs brises et tombant en pourriture,
quelques lambeaux de murailles, ecroulees, en adobe, indiquait la place ou
le _rancho_ du settler avait ete pose. Nous passames pres d'une eglise en
ruines, dont les vieilles tourelles s'ecroulaient pierre a pierre. Tout
autour, des monceaux d'adobe couvraient la terre sur une etendue de
plusieurs acres. Un village prospere avait existe la. Qu'etait-il devenu?
Ou etaient ses habitants affaires? Un chat sauvage s'elanca du milieu des
ronces qui recouvraient les ruines, et s'enfonca dans la foret; un hibou
s'envola lourdement du haut d'une coupole croulante, et voleta autour de
nos tetes en poussant son plaintif _wou-hou-ah_ ajoutant ainsi un trait de
plus a cette scene de desolation. Pendant que nous traversions ces ruines,
un silence de mort nous environnait, trouble seulement par le houloulement
De l'oiseau de
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