silhouette cherie, mais d'aucun
point la maison n'etait visible. Elle etait cachee par les bois sombres et
majestueux. Je ne voyais plus que les longues aiguilles des palmillas
pittoresques; et, la route descendant entre deux collines, ces palmillas
eux-memes disparurent bientot a mes yeux.
Je lachai la bride, et, laissant mon cheval aller a volonte, je tombai
dans une suite de pensees a la fois douces et penibles. Je sentais que
l'amour dont mon coeur etait rempli occuperait toute ma vie; que,
dorenavant, cet amour serait le pivot de toutes mes esperances, le
puissant mobile de toutes mes actions. Je venais d'atteindre l'age
d'homme, et je n'ignorais pas cette verite, qu'un amour pur comme celui-la
etait le meilleur preservatif contre les ecarts de la jeunesse, la
meilleure sauvegarde contre tous les entrainements dangereux. J'avais
appris cela de celui qui avait preside a ma premiere education, et dont
l'experience m'avait ete souvent d'un trop puissant secours pour que je ne
lui accordasse pas toute confiance. Plus d'une fois j'avais eu l'occasion
de reconnaitre la justesse de ses avis. La passion que j'avais inspiree a
cette jeune fille etait, j'en avais conscience, aussi profonde, aussi
ardente que celle que j'eprouvais moi-meme; peut-etre plus vive encore;
car mon coeur avait connu d'autres affections, tandis que le sien n'avait
jamais battu que sous l'influence des tendres soins qui avaient entoure
son enfance. C'etait son premier sentiment puissant, sa premiere passion.
Comment n'aurait-il pas envahi tout son coeur, domine toutes ses pensees?
Elle, si bien faite pour l'amour, si semblable a la Venus mythologique?
Ces reflexions n'avaient rien que d'agreable; mais le tableau
s'assombrissait quand je cessais de considerer le passe. Quelque chose, un
demon sans doute, me disait tout bas: Tu ne la reverras plus jamais! Cette
idee toute hypothetique qu'elle fut, suffisait pour me remplir l'esprit de
sombres presages, et je me mis a interroger l'avenir. Je n'etais point en
route pour une de ces parties de plaisir de laquelle on revient a jour et
a heure fixes. J'allais affronter des dangers, les dangers du desert, dont
je connaissais toute la gravite. Dans nos plans de la nuit precedente,
Seguin n'avait pas dissimule les perils de notre expedition. Il me les
avait detailles avant de m'imposer l'engagement de le suivre. Quelques
semaines auparavant, je m'en serais preoccupe; ces perils meme auraient
ete pour moi un m
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