ecteur. En echange,
accordez-moi la faveur de croire que la charmante creature, qui fit alors
sur moi une impression desormais ineffacable, etait belle, etait adorable.
--Ah! il serait bien krande la gomblaisance, si matame et matemoiselle ils
foulaient chouer la _Marseillaise_, la krante _Marseillaise_. Qu'en tit
_mein lieb fraulein?_ (Ma chere demoiselle.)
--Zoe! Zoe! prends ta mandoline. Oui, docteur, nous allons jouer, pour
vous faire plaisir. Vous aimez la musique, et nous aussi. Allons, Zoe.
La jeune fille, qui jusque-la avait suivi avec attention le travail du
naturaliste, se dirigea vers un coin de la chambre, et decrochant un
instrument qui ressemblait a une guitare, elle retourna s'asseoir pres de
sa mere. La mandoline fut mise d'accord avec la harpe, et les cordes des
deux instruments retentirent des notes vibrantes de la _Marseillaise_. Il
y avait quelque chose de particulierement gracieux dans ce petit concert.
L'accompagnement, autant que j'en pus juger, etait parfaitement execute,
et les voix, pleines de douceur, s'y harmonisaient admirablement. Mes yeux
ne quittaient pas la jeune Zoe, dont la figure, animee par les fortes
pensees de l'hymne, s'illuminait de rayons divins; elle semblait une jeune
deesse de la liberte jetant le cri: "Aux armes!" Le botaniste avait
interrompu son travail et pretait l'oreille avec delices. A chaque retour
de l'energique appel: _Aux armes, citoyens!_ le brave homme battait des
mains et frappait la mesure avec ses pieds sur le plancher. Le meme
enthousiasme qui, a cette epoque, mettait toute l'Europe en rumeur
eclatait dans tous ses traits.
--Ou suis-je donc! Des figures francaises, de la musique francaise, des
voix francaises, la causerie francaise!-Car le botaniste s'etait servi de
cette langue, en s'adressant aux dames, bien qu'avec un fort accent des
bords du Rhin, qui m'avait confirme dans ma premiere impression,
relativement a sa nationalite.--Ou suis-je donc? Mon oeil errait tout
autour de la chambre cherchant une reponse a cette question. Je
reconnaissais le style de l'ameublement; les chaises de campeche avec les
pieds en croix, un _rebozo_, un _pautate_ de feuilles de palmier. Ah! Alp!
Mon chien etait couche sur le tapis pres de mon lit, et il dormait.
--Alp!... Alp!...
--Oh! maman! maman! ecoutez! l'etranger appelle.
Le chien s'etait dresse; et, posant ses pattes de devant sur le lit
frottait son nez contre moi avec de joyeux petits cris. Je sortis une
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