eune alors; j'etais a l'age auquel on est le plus vivement
impressionne par des evenements romanesques du genre de ceux au milieu
desquels j'avais rencontre cette charmante enfant; a cet age ou le coeur,
sans soucis de l'avenir, s'abandonne irresistiblement aux attractions
electriques de l'amour. Je dis electriques; je crois en effet que les
sympathies que l'amour fait eclater entre les jeunes gens sont des
phenomenes purement electriques. Plus tard, la puissance de ce fluide se
perd; la raison gouverne alors. Nous avons conscience de la mutabilite
possible des affections, car nous avons l'experience des serments rompus,
et nous perdons cette douce confiance qui fait toute la force de l'amour
dans la jeunesse. Nous devenons imperieux ou jaloux, suivant que nous
croyons gagner ou perdre du terrain. L'amour de l'age mur est melange d'un
grossier alliage qui altere son caractere divin. L'amour que je ressentis
alors fut, je puis le dire, ma premiere passion veritable. J'avais cru
quelquefois aimer auparavant, mais j'avais ete le jouet d'illusions
passageres; illusions d'ecolier de village qui voyait le ciel dans les
yeux brillants de sa timide compagne de classe, ou qui, par hasard, a
quelque pique-nique de famille, dans un vallon romantique, avait cueilli
un baiser sur les joues roses d'une jolie petite cousine.
Mes forces renaissaient avec une rapidite qui surprenait grandement mon
savant amateur de plantes. L'amour ranimait et alimentait le foyer de la
vie. L'esprit reagit sur la matiere, et il est certain, quoi qu'on en
puisse dire, que le corps est soumis a l'influence de la volonte. Le desir
de guerir, de vivre pour un objet aime, est souvent le plus efficace de
tous les remedes: c'etait le mien. Ma vigueur revint, et je commencai a
pouvoir me lever. Un coup d'oeil dans la glace me prouva que je reprenais
des couleurs. L'instinct pousse l'oiseau a lisser ses ailes et a donner
le plus brillant eclat a son plumage, pendant tout le temps ou il courtise
sa femelle. Le meme sentiment me rendait tres-soigneux de ma toilette. Mon
portemanteau fut vide, mes rasoirs tires de leur etui, ma longue barbe
disparut, et mes moustaches furent reduites a des proportions
raisonnables.
Je fais ici ma confession complete. On m'avait dit que je n'etais pas
laid, et je croyais ce que l'on m'avait dit. Je suis homme, et j'ai la
vanite de l'homme. N'etes-vous pas ainsi? Quant a Zoe, enfant de la nature
encore endormie dans la plus complet
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