us cruellement.
--Vous vous trompez, monsieur; je ne vous ai point offense.
--Comment qualifiez-vous votre conduite? Abuser mon enfant!
--Abuser? m'ecriai-je, sentant mon courage revenir sous cette accusation.
--Oui, abuser!... Ne vous etes-vous pas fait aimer d'elle?
--Je me suis fait aimer d'elle loyalement.
--Fi! monsieur, c'est une enfant et non pas une femme. Vous en faire aimer
loyalement! Sait-elle seulement ce que c'est que l'amour?
--Papa, je sais ce que c'est que l'amour. Je le sais depuis plusieurs
jours. Ne soyez pas fache contre Henri, car je l'aime! oh! papa! je l'aime
de tout mon coeur!
Il se tourna vers elle, et la regarda avec etonnement.
--Qu'est-ce que j'entends, s'ecria-t-il; oh! mon Dieu! Mon enfant! mon
enfant!
Sa voix me remua jusqu'au fond du coeur; elle etait pleine de sanglots.
--Ecoutez-moi, monsieur, criai-je en me placant resolument devant lui.
J'ai conquis l'amour de votre fille; je lui ai donne tout le mien en
echange. Nous sommes du meme rang, de la meme condition. Quel crime ai-je
donc commis? En quoi vous ai-je offense?
Il me regarda quelques instants sans faire aucune reponse.
--Vous seriez donc dispose a l'epouser? me dit-il enfin, avec un
changement evident de ton.
--Si j'avais laisse cet amour se developper ainsi sans avoir cette
intention, j'aurais merite tous vos reproches. J'aurais traitreusement
abuse de cette enfant, comme vous l'avez dit.
--M'epouser! s'ecria Zoe, avec un air de profonde surprise.
--Ecoutez! la pauvre enfant! elle ne sait pas meme ce que ce mot veut
dire!
--Oui, charmante Zoe! je vous epouserai; autrement mon coeur, comme le
votre, serait brise pour jamais!
--Oh! monsieur!
--C'est bien, monsieur, assez pour l'instant. Vous avez conquis cette
enfant sur elle-meme; il vous reste a la conquerir sur moi. Je veux sonder
la profondeur de votre attachement. Je veux vous soumettre a une epreuve.
--J'accepte toutes les epreuves que vous voudrez m'imposer.
--Nous verrons; venez, rentrons. Viens, Zoe.
Et, la prenant par la main, il la conduisit vers la maison. Je marchai
derriere eux.
Comme nous traversions un petit bois d'orangers sauvages, ou l'allee se
retrecissait, le pere quitta la main de sa fille et passa en avant. Zoe se
trouvait entre nous deux, et au moment ou nous etions au milieu du
bosquet, elle se retourna soudainement, et placant sa main sur la mienne,
murmura en tremblant et a voix basse:
--Henri, dite
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