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l'abandon present. On avait reuni la beaucoup d'arbres d'especes rares et
exotiques; mais il y avait quelque chose de sauvage dans l'aspect de leurs
fruits et de leurs feuillages. Leurs branches entrelacees formaient
d'epais fourres qui denotaient l'absence de toute culture. Cette
sauvagerie n'etait pas denuee d'un certain charme; en outre, l'odorat
etait agreablement frappe par l'arome de milliers de fleurs, dont l'air
etait continuellement embaume. Les murs du jardin aboutissaient a la
riviere et s'arretaient la; car la rive, coupee a pic, et la profondeur de
l'eau qui coulait au pied, formaient une defense suffisante de ce cote.
Une epaisse rangee de cotonniers bordait le rivage, et, sous leur ombre,
on avait place de nombreux sieges de maconnerie vernissee, dans le style
propre aux contrees espagnoles. Il y avait un escalier taille dans la
berge, au-dessus duquel pendaient les branches d'arbustes pleureurs, et
qui conduisait jusqu'au bord de l'eau. J'avais remarque une petite barque
amarree sous les saules, aupres de la derniere marche. De ce cote
seulement, les yeux pouvaient franchir les limites de l'enclos. Le point
de vue etait magnifique, et commandait le cours sinueux du Del-Norte a la
distance de plusieurs milles.
Le pays, de l'autre cote de la riviere, paraissait inculte et inhabite.
Aussi loin que l'oeil pouvait s'etendre, le riche feuillage du cotonnier
garnissait le paysage, et couvrait la riviere de son ombre. Au sud, pres
de la ligne de l'horizon, une fleche solitaire s'elancait du milieu des
massifs d'arbres. C'etait l'eglise d'_El-Paso del Norte_ dont les coteaux
couverts de vignes se confondaient avec les plans interieurs du ciel
lointain. A l'est, s'elevaient les hauts pics des montagnes Rocheuses; la
chaine mysterieuse des _Organos_, dont les lacs sombres et eleves, avec
leurs flux et reflux, impriment a l'ame du chasseur solitaire une
superstitieuse terreur. A l'ouest, tout au loin, et a peine visibles, les
rangees jumelles des Mimbres, ces montagnes d'or, dont les defiles
resonnent si rarement sous le pas de l'homme. Le trappeur intrepide
lui-meme rebrousse chemin quand il approche de ces contrees inconnues qui
s'etendent au nord-ouest du Gila: c'est le pays des Apaches et des
Navajoes anthropophages.
Chaque soir nous allions sous les bosquets de cotonniers, et, assis pres
l'un de l'autre sur un des bancs, nous admirions ensemble les feux du
soleil couchant. A ce moment de la journee no
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