le long de ces
baguettes, analysant leur configuration et admirant, comme un enfant le
pourrait faire, la regularite de leur courbure. Je ne suis pas chez moi.
Toutes ces choses me sont etrangeres. Cependant,--pense-je,--j'ai deja vu
quelque chose de semblable; mais ou?--Oh! je sais; avec de larges rayures
tissees de soie; c'etait une couverture de Navajo!--Ou etais-je donc?
--dans le New-Mexico?--Oui.--Maintenant je me souviens! la _Jornada!_
--Mais comment suis-je venu ici?
C'est un labyrinthe inextricable; il m'est impossible d'en trouver le fil.
Mes doigts! comme ils sont blancs et effiles! et mes ongles! longs et
bleus comme les griffes d'un oiseau! Ma barbe est longue! je la sens a mon
menton! Comment se fait-il que j'aie une barbe? Je n'en ai jamais porte;
je veux la couper... Ces chevaliers! comme ils se battent! oeuvre
sanglante! Celui-la, le plus petit, veut desarconner l'autre. Oh! quel
elan prend son cheval et comme il est ferme en selle. Le cheval et le
cavalier semblent ne faire qu'un seul etre. Leurs ames sont unies par un
mysterieux lien. Le meme sentiment les anime. En chargeant ainsi ils ne
peuvent manquer de vaincre. Oh! les belles dames! Comme celle qui porte le
faucon perche sur son poing est brillante! comme elle est fiere! comme
elle est charmante!... Fatigue, je m'endormis de nouveau.
* * * * *
Mes yeux parcourent encore les scenes peintes sur les rideaux; les
chevaliers et les dames, les chiens de chasse, les faucons et les chevaux.
Mes idees se sont eclaircies, et j'entends de la musique. Je reste
silencieux et j'ecoute. Ce sont des voix de femmes; c'est un chant doux et
delicatement module. L'une joue d'un instrument a cordes. Je reconnais les
sons de la harpe espagnole, mais la musique est francaise; c'est une
chanson normande; les paroles appartiennent a la langue de cette contree
romantique. Cela me cause une vive surprise, car la memoire des derniers
evenements m'est revenue, et je sais bien que je suis loin de la France.
La lumiere eclairait mon lit, et, en detournant la tete, je m'apercus que
les rideaux etaient ouverts. J'etais couche dans une grande chambre,
irregulierement, mais elegamment meublee. Des figures humaines etaient
devant moi, les unes debout, les autres assises; quelques-unes couchees
sur le plancher; d'autres occupaient des chaises ou des ottomanes; toutes
paraissaient absorbees dans quelque occupation. Il me semblait voir un
assez g
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