n'ecrit
pas, celle-la s'imposait souvent a son esprit pour le relancer et le
tourmenter,--un domestique vint lui annoncer que M. Antoine Chamberlain
demandait a le voir.
Il descendit vivement au premier etage et courut a son oncle, les mains
tendues.
--Heureux de vous voir, mon cher oncle, dit le colonel.
--C'est pour cela que je me suis depeche de venir vous demander a
dejeuner, si je ne vous derange pas.
--Jamais, vous le savez bien. Nous dejeunons donc ensemble.
--En tete-a-tete, n'est-ce pas? comme la derniere fois.
--Vous avez a me parler?
--Oui, et vous, de votre cote, n'avez-vous rien a me dire?
Ces paroles d'Antoine causerent une vive surprise au colonel. Pourquoi
son oncle se doutait-il qu'il voulait l'aller voir? et pourquoi aussi
avait-il tenu a prevenir cette visite?
Le colonel sonna pour donner des ordres; puis, revenant a son oncle:
--Ma petite cousine va bien, j'espere?
--Pas trop, mais ce ne sera rien: un peu de fievre.
Therese souffrante: qui causait cette fievre?
Il y avait une autre question que le colonel avait sur les levres et
qu'il retenait, ne sachant trop comment la poser; cependant il se
risqua, sachant combien vivement le sujet auquel elle se rapportait
preoccupait et tourmentait son oncle.
--Avez-vous eu des nouvelles de l'affaire de... mon cousin? dit-il
enfin, se servant du mot "mon cousin" pour attenuer ce qu'il pouvait y
avoir de penible pour son oncle dans cette interrogation.
--Oui, et de bonnes; au moins sont-elles bonnes pour mon egoisme de
pere. On renonce a poursuivra l'affaire; les presomptions du juge
d'instruction ne reposant sur rien de precis. On ne trouve pas de
preuves, votre assassin a emporte le nom de ses complices dans sa tombe,
et, comme la police n'a pu mettre la main sur le Fourrier, decidement
introuvable, il n'y a pas de charges contre celui que vous appelez votre
cousin; il peut rentrer en France.
A ce moment, on vint prevenir le colonel que le dejeuner etait pret; ils
passerent dans la salle a manger, ou le couvert etait mis comme le jour
ou il avait ete question entre eux du mariage de Therese avec Michel,
c'est-a-dire que la table etait servie de telle sorte qu'ils n'auraient
pas besoin de domestiques autour d'eux, et qu'ils pourraient causer
librement, en tete-a-tete, comme l'avait demande Antoine.
Celui-ci s'assit a sa place et, ayant deplie sa serviette, il commenca
par se verser un plein verre de vin; puis, emplissant au
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