e Philis defendait le terrain contre son
frere; mais peu a peu la confiance qui, tout d'abord, la soutenait
s'affaiblissait. Chez Saniel, pres de lui, elle etait vaillante;
entre son frere et sa mere, dans cette salle qui deja avait vu leurs
inquietudes, n'osant pas elever la voix, elle se troublait et se
laissait gagner par l'anxiete des siens:
--Vraiment, dit-elle, il semble que nous soyons des coupables et non des
innocents!
--Et tandis que nous sommes la a nous tourmenter, le coupable,
probablement, dans une tranquillite parfaite, rit des recherches de la
police; il n'avait pas pense a ce bouton, le hasard le met dans son jeu;
la chance est pour lui, elle est contre nous... une fois de plus.
C'etait la plainte qui revenait le plus souvent sur les levres de
Florentin. Bien qu'il n'eut jamais ete joueur, et pour cause, tout pour
lui se decidait par la chance. Il y a des gens qui sont nes sous une
bonne etoile, d'autres sous une malheureuse; il y en a qui, dans la
bataille de la vie, recoivent les coups sans se decourager, parce qu'ils
attendent tout du lendemain, comme il y en a qui faiblissent, parce
qu'ils n'attendent rien de bon et qu'ils savent, par experience, que
demain sera pour eux ce qu'est le jour present, ce qu'a ete la veille.
Il etait de ceux-la. Qu'avait-il eu de bon depuis que la bataille etait
en engagee? Pourquoi leur pere etait-il mort juste au moment ou, apres
de rudes epreuves, il arrivait a force de perseverance et de travail,
a mettre le pied a l'echelle? Encore quelques annees et c'etait d'une
fortune, c'etait d'un nom glorieux qu'heritaient ses enfants, tandis
qu'il ne leur avait laisse que ce qu'il avait toujours eu: la misere.
Pourquoi lui-meme n'avait-il pas pu achever ses etudes, au lieu de
devenir un pauvre clerc d'hommes d'affaires qu'on accablait de besognes
fastidieuses du matin au soir, et de fatigues au point qu'il ne lui
restait pas une heure de liberte pour travailler utilement? Ne devait-il
pas, comme ses camarades, passer des examens qui lui auraient donne
une situation analogue a celles qu'occupaient ces camarades, ni plus
intelligents ni plus courageux que lui? Pourquoi, au lieu de trouver un
brave homme de patron, ce qui n'avait rien d'impossible, etait-il tombe
sur Caffie qui l'avait martyrise et abeti? Pourquoi sa mere, nee a la
campagne, solide, d'une bonne et belle sante, avait-elle tout a coup
ete frappee de paralysie? Enfin pourquoi Philis, belle fille comme elle
et
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