e et esthetique a la fois, symbolisent, en
chair et en os, l'art hellenique; encore, au theatre, la mise en scene
banalise-t-elle ces images; au contraire, le spectacle auquel l'entree
dans un salon d'une Turque, d'un Juif, nous fait assister, en animant
les figures, les rend plus etranges, comme s'il s'agissait en effet
d'etre evoques par un effort mediumnique. C'est l'ame (ou plutot le peu
de chose auquel se reduit, jusqu'ici du moins, l'ame, dans ces sortes
de materialisations), c'est l'ame entrevue auparavant par nous dans les
seuls musees, l'ame des Grecs anciens, des anciens Juifs, arrachee a une
vie tout a la fois insignifiante et transcendentale, qui semble executer
devant nous cette mimique deconcertante. Dans la jeune dame grecque qui
se derobe, ce que nous voudrions vainement etreindre, c'est une figure
jadis admiree aux flancs d'un vase. Il me semblait que si j'avais dans
la lumiere du salon de Mme de Villeparisis pris des cliches d'apres
Bloch, ils eussent donne d'Israel cette meme image, si troublante parce
qu'elle ne parait pas emaner de l'humanite, si decevante parce que tout
de meme elle ressemble trop a l'humanite, et que nous montrent les
photographies spirites. Il n'est pas, d'une facon plus generale, jusqu'a
la nullite des propos tenus par les personnes au milieu desquelles nous
vivons qui ne nous donne l'impression du surnaturel, dans notre pauvre
monde de tous les jours ou meme un homme de genie de qui nous attendons,
rassembles comme autour d'une table tournante, le secret de l'infini,
prononce seulement ces paroles, les memes qui venaient de sortir des
levres de Bloch: "Qu'on fasse attention a mon chapeau haut de forme."
--Mon Dieu, les ministres, mon cher monsieur, etait en train de dire Mme
de Villeparisis s'adressant plus particulierement a mon ancien camarade,
et renouant le fil d'une conversation que mon entree avait interrompue,
personne ne voulait les voir. Si petite que je fusse, je me rappelle
encore le roi priant mon grand-pere d'inviter M. Decazes a une redoute
ou mon pere devait danser avec la duchesse de Berry. "Vous me ferez
plaisir, Florimond", disait le roi. Mon grand-pere, qui etait un peu
sourd, ayant entendu M. de Castries, trouvait la demande toute
naturelle. Quand il comprit qu'il s'agissait de M. Decazes, il eut un
moment de revolte, mais s'inclina et ecrivit le soir meme a M. Decazes
en le suppliant de lui faire la grace et l'honneur d'assister a son bal
qui avait lieu la
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