vait
precedee. Nous-memes nous etions un peu romantiques." Mais si singulier
que lui parut l'interlocuteur, M. de Norpois trouvait que l'entretien
n'avait que trop dure.
--Non, monsieur, je ne vais plus au bal, repondit-elle avec un joli
sourire de vieille femme. Vous y allez, vous autres? C'est de votre age,
ajouta-t-elle en englobant dans un meme regard M. de Chatellerault, son
ami, et Bloch. Moi aussi j'ai ete invitee, dit-elle en affectant par
plaisanterie d'en tirer vanite. On est meme venu m'inviter. (On: c'etait
la princesse de Sagan.)
--Je n'ai pas de carte d'invitation, dit Bloch, pensant que Mme de
Villeparisis allait lui en offrir une, et que Mme de Sagan serait
heureuse de recevoir l'ami d'une femme qu'elle etait venue inviter en
personne.
La marquise ne repondit rien, et Bloch n'insista pas, car il avait une
affaire plus serieuse a traiter avec elle et pour laquelle il venait de
lui demander un rendez-vous pour le surlendemain. Ayant entendu les deux
jeunes gens dire qu'ils avaient donne leur demission du cercle de la rue
Royale ou on entrait comme dans un moulin, il voulait demander a Mme de
Villeparisis de l'y faire recevoir.
--Est-ce que ce n'est pas assez faux chic, assez snob a cote, ces
Sagan? dit-il d'un air sarcastique.
--Mais pas du tout, c'est ce que nous faisons de mieux dans le genre,
repondit M. d'Argencourt qui avait adopte toutes les plaisanteries
parisiennes.
--Alors, dit Bloch a demi ironiquement, c'est ce qu'on appelle une des
_solennites_, des grandes _assises mondaines_ de la saison!
Mme de Villeparisis dit gaiement a Mme de Guermantes:
--Voyons, est-ce une grande solennite mondaine, le bal de Mme de Sagan?
--Ce n'est pas a moi qu'il faut demander cela, lui repondit ironiquement
la duchesse, je ne suis pas encore arrivee a savoir ce que c'etait
qu'une solennite mondaine. Du reste, les choses mondaines ne sont pas
mon fort.
--Ah! je croyais le contraire, dit Bloch qui se figurait que Mme de
Guermantes avait parle sincerement.
Il continua, au grand desespoir de M. de Norpois, a lui poser nombre de
questions sur les officiers dont le nom revenait le plus souvent a
propos de l'affaire Dreyfus; celui-ci declara qu'a "vue de nez" le
colonel du Paty de Clam lui faisait l'effet d'un cerveau un peu fumeux
et qui n'avait peut-etre pas ete tres heureusement choisi pour conduire
cette chose delicate, qui exige tant de sang-froid et de discernement,
une instruction.
--Je
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