t, et a beaucoup pres, son meilleur ami, mais l'ami qui
lui avait rendu le plus de petits services, l'ami dont elle se servait,
un excellent homme, presque une vieille bete. Le jeune Morel avait beau
chercher a s'evader de ses origines, on sentait que l'ombre de mon oncle
Adolphe, venerable et demesuree aux yeux du vieux valet de chambre,
n'avait cesse de planer, presque sacree, sur l'enfance et la jeunesse du
fils. Pendant que je regardais les photographies, Charles Morel
examinait ma chambre. Et comme je cherchais ou je pourrais les serrer:
"Mais comment se fait-il, me dit-il (d'un ton ou le reproche n'avait pas
besoin de s'exprimer tant il etait dans les paroles memes), que je n'en
voie pas une seule de votre oncle dans votre chambre?" Je sentis le
rouge me monter au visage, et balbutiai: "Mais je crois que je n'en ai
pas.--Comment, vous n'avez pas une seule photographie de votre oncle
Adolphe qui vous aimait tant! Je vous en enverrai une que je prendrai
dans les quantites qu'a mon paternel, et j'espere que vous l'installerez
a la place d'honneur, au-dessus de cette commode qui vous vient
justement de votre oncle." Il est vrai que, comme je n'avais meme pas
une photographie de mon pere ou de ma mere dans ma chambre, il n'y avait
rien de si choquant a ce qu'il ne s'en trouvat pas de mon oncle Adolphe.
Mais il n'etait pas difficile de deviner que pour Morel, lequel avait
enseigne cette maniere de voir a son fils, mon oncle etait le personnage
important de la famille, duquel mes parents tiraient seulement un eclat
amoindri. J'etais plus en faveur parce que mon oncle disait tous les
jours que je serais une espece de Racine, de Vaulabelle, et Morel me
considerait a peu pres comme un fils adoptif, comme un enfant d'election
de mon oncle. Je me rendis vite compte que le fils de Morel etait tres
"arriviste". Ainsi, ce jour-la, il me demanda, etant un peu compositeur
aussi, et capable de mettre quelques vers en musique, si je ne
connaissais pas de poete ayant une situation importante dans le monde
"aristo". Je lui en citai un. Il ne connaissait pas les oeuvres de ce
poete et n'avait jamais entendu son nom, qu'il prit en note. Or je sus
que peu apres il avait ecrit a ce poete pour lui dire qu'admirateur
fanatique de ses oeuvres, il avait fait de la musique sur un sonnet de
lui et serait heureux que le librettiste en fit donner une audition chez
la Comtesse ----. C'etait aller un peu vite et demasquer son plan. Le
poete, blesse,
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