en suis
enchante. Du reste nous sommes plus amis que vous ne croyez, Madame, et
je suis decide a tout pour que nous le soyons davantage."
De contrariee, Mme de Villeparisis sembla devenue soucieuse: "Ne
l'attendez pas, me dit-elle d'un air preoccupe, il cause avec M. de
Faffenheim. Il ne pense deja plus a ce qu'il vous a dit. Tenez, partez,
profitez vite pendant qu'il a le dos tourne."
Ce premier emoi de Mme de Villeparisis eut ressemble, n'eussent ete les
circonstances, a celui de la pudeur. Son insistance, son opposition
auraient pu, si l'on n'avait consulte que son visage, paraitre dictees
par la vertu. Je n'etais, pour ma part, guere presse d'aller retrouver
Robert et sa maitresse. Mais Mme de Villeparisis semblait tenir tant a
ce que je partisse que, pensant peut-etre qu'elle avait a causer
d'affaire importante avec son neveu, je lui dis au revoir. A cote
d'elle M. de Guermantes, superbe et olympien, etait lourdement assis. On
aurait dit que la notion omnipresente en tous ses membres de ses grandes
richesses lui donnait une densite particulierement elevee, comme si
elles avaient ete fondues au creuset en un seul lingot humain, pour
faire cet homme qui valait si cher. Au moment ou je lui dis au revoir,
il se leva poliment de son siege et je sentis la masse inerte de trente
millions que la vieille education francaise faisait mouvoir, soulevait,
et qui se tenait debout devant moi. Il me semblait voir cette statue de
Jupiter Olympien que Phidias, dit-on, avait fondue tout en or. Telle
etait la puissance que la bonne education avait sur M. de Guermantes,
sur le corps de M. de Guermantes du moins, car elle ne regnait pas
aussi en maitresse sur l'esprit du duc. M. de Guermantes riait de ses
bons mots, mais ne se deridait pas a ceux des autres.
Dans l'escalier, j'entendis derriere moi une voix qui m'interpellait:
--Voila comme vous m'attendez, Monsieur. C'etait M. de Charlus.
--Cela vous est egal de faire quelques pas a pied? me dit-il sechement,
quand nous fumes dans la cour. Nous marcherons jusqu'a ce que j'aie
trouve un fiacre qui me convienne.
--Vous vouliez me parler de quelque chose, Monsieur?
--Ah! voila, en effet, j'avais certaines choses a vous dire, mais je ne
sais trop si je vous les dirai. Certes je crois qu'elles pourraient etre
pour vous le point de depart d'avantages inappreciables. Mais
j'entrevois aussi qu'elles ameneraient dans mon existence, a mon age ou
on commence a tenir a la tranquillit
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