teurs et n'en
trouvais pas un seul dont ce put etre le chapeau.
--Comme M. de Norpois est sympathique, dis-je a Mme Swann en le lui
montrant. Il est vrai que Robert de Saint-Loup me dit que c'est une
peste, mais....
--Il a raison, repondit-elle.
Et voyant que son regard se reportait a quelque chose qu'elle me
cachait, je la pressai de questions. Peut-etre contente d'avoir l'air
d'etre tres occupee par quelqu'un dans ce salon, ou elle ne connaissait
presque personne, elle m'emmena dans un coin.
--Voila surement ce que M. de Saint-Loup a voulu vous dire, me
repondit-elle, mais ne le lui repetez pas, car il me trouverait
indiscrete et je tiens beaucoup a son estime, je suis tres "honnete
homme", vous savez. Dernierement Charlus a dine chez la princesse de
Guermantes; je ne sais pas comment on a parle de vous. M. de Norpois
leur aurait dit--c'est inepte, n'allez pas vous mettre martel en tete
pour cela, personne n'y a attache d'importance, on savait trop de quelle
bouche cela tombait--que vous etiez un flatteur a moitie hysterique.
J'ai raconte bien auparavant ma stupefaction qu'un ami de mon pere comme
etait M. de Norpois eut pu s'exprimer ainsi en parlant de moi. J'en
eprouvai une plus grande encore a savoir que mon emoi de ce jour ancien
ou j'avais parle de Mme Swann et de Gilberte etait connu par la
princesse de Guermantes de qui je me croyais ignore. Chacune de nos
actions, de nos paroles, de nos attitudes est separee du "monde", des
gens qui ne l'ont pas directement percue, par un milieu dont la
permeabilite varie a l'infini et nous reste inconnue; ayant appris par
l'experience que tel propos important que nous avions souhaite vivement
etre propage (tels ceux si enthousiastes que je tenais autrefois a tout
le monde et en toute occasion sur Mme Swann, pensant que parmi tant de
bonnes graines repandues il s'en trouverait bien une qui leverait) s'est
trouve, souvent a cause de notre desir meme, immediatement mis sous le
boisseau, combien a plus forte raison etions-nous eloigne de croire que
telle parole minuscule, oubliee de nous-meme, voire jamais prononcee par
nous et formee en route par l'imparfaite refraction d'une parole
differente, serait transportee, sans que jamais sa marche s'arretat, a
des distances infinies--en l'espece jusque chez la princesse de
Guermantes--et allat divertir a nos depens le festin des dieux. Ce que
nous nous rappelons de notre conduite reste ignore de notre plus proche
voisin; ce
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