effet tres desagreable. Mais comme je la connais de vue je me leverai
a temps.
--Je t'assure, Oriane, elle est tres agreable, c'est une excellente
femme, dit Mme de Marsantes.
--Je n'en doute pas, mais je n'eprouve aucun besoin de m'en assurer par
moi-meme.
--Est-ce que tu es invitee chez Lady Israel? demanda Mme de Villeparisis
a la duchesse, pour changer la conversation.
--Mais, Dieu merci, je ne la connais pas, repondit Mme de Guermantes.
C'est a Marie-Aynard qu'il faut demander cela. Elle la connait et je me
suis toujours demande pourquoi.
--Je l'ai en effet connue, repondit Mme de Marsantes, je confesse mes
erreurs. Mais je suis decidee a ne plus la connaitre. Il parait que
c'est une des pires et qu'elle ne s'en cache pas. Du reste, nous avons
tous ete trop confiants, trop hospitaliers. Je ne frequenterai plus
personne de cette nation. Pendant qu'on avait de vieux cousins de
province du meme sang, a qui on fermait sa, porte, on l'ouvrait aux
Juifs. Nous voyons maintenant leur remerciement. Helas! je n'ai rien a
dire, j'ai un fils adorable et qui debite, en jeune fou qu'il est,
toutes les insanites possibles, ajouta-t-elle en entendant que M.
d'Argencourt avait fait allusion a Robert. Mais, a propos de Robert,
est-ce que vous ne l'avez pas vu? demanda-t-elle a Mme de Villeparisis;
comme c'est samedi, je pensais qu'il aurait pu passer vingt-quatre
heures a Paris, et dans ce cas il serait surement venu vous voir.
En realite Mme de Marsantes pensait que son fils n'aurait pas de
permission; mais comme, en tout cas, elle savait que s'il en avait eu
une il ne serait pas venu chez Mme de Villeparisis, elle esperait, en
ayant l'air de croire qu'elle l'eut trouve ici, lui faire pardonner,
par sa tante susceptible, toutes les visites qu'il ne lui avait pas
faites.
--Robert ici! Mais je n'ai pas meme eu un mot de lui; je crois que je ne
l'ai pas vu depuis Balbec.
--Il est si occupe, il a tant a faire, dit Mme de Marsantes.
Un imperceptible sourire fit onduler les cils de Mme de Guermantes qui
regarda le cercle qu'avec la pointe de son ombrelle elle tracait sur le
tapis. Chaque fois que le duc avait delaisse trop ouvertement sa femme,
Mme de Marsantes avait pris avec eclat contre son propre frere le parti
de sa belle-soeur. Celle-ci gardait de cette protection un souvenir
reconnaissant et rancunier, et elle n'etait qu'a demi fachee des
fredaines de Robert. A ce moment, la porte s'etant ouverte de nouveau,
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