ontrait quelque naivete.
Ce que lui avait dit M. de Norpois ne l'ayant pas completement
satisfait, il s'approcha de l'archiviste et lui demanda si on ne voyait
pas quelquefois, chez Mme de Villeparisis M. du Paty de Clam ou M.
Joseph Reinach. L'archiviste ne repondit rien; il etait nationaliste et
ne cessait de precher a la marquise qu'il y aurait bientot une guerre
sociale et qu'elle devrait etre plus prudente dans le choix de ses
relations. Il se demanda si Bloch n'etait pas un emissaire secret du
syndicat venu pour le renseigner et alla immediatement repeter a Mme de
Villeparisis ces questions que Bloch venait de lui poser. Elle jugea
qu'il etait au moins mal eleve, peut-etre dangereux pour la situation
de M. de Norpois. Enfin elle voulait donner satisfaction a l'archiviste,
la seule personne qui lui inspirat quelque crainte et par lequel elle
etait endoctrinee, sans grand succes (chaque matin il lui lisait
l'article de M. Judet dans le _Petit Journal_). Elle voulut donc
signifier a Bloch qu'il eut a ne pas revenir et elle trouva tout
naturellement dans son repertoire mondain la scene par laquelle une
grande dame met quelqu'un a la porte de chez elle, scene qui ne comporte
nullement le doigt leve et les yeux flambants que l'on se figure. Comme
Bloch s'approchait d'elle pour lui dire au revoir, enfoncee dans son
grand fauteuil, elle parut a demi tiree d'une vague somnolence. Ses
regards noyes n'eurent que la lueur faible et charmante d'une perle. Les
adieux de Bloch, deplissant a peine dans la figure de la marquise un
languissant sourire, ne lui arracherent pas une parole, et elle ne lui
tendit pas la main. Cette scene mit Bloch au comble de l'etonnement,
mais comme un cercle de personnes en etait temoin alentour, il ne pensa
pas qu'elle put se prolonger sans inconvenient pour lui et, pour forcer
la marquise, la main qu'on ne venait pas lui prendre, de lui-meme il la
tendit. Mme de Villeparisis fut choquee. Mais sans doute, tout en tenant
a donner une satisfaction immediate a l'archiviste et au clan
antidreyfusard, voulait-elle pourtant menager l'avenir, elle se contenta
d'abaisser les paupieres et de fermer a demi les yeux.
--Je crois qu'elle dort, dit Bloch a l'archiviste qui, se sentant
soutenu par la marquise, prit un air indigne. Adieu, madame, cria-t-il.
La marquise fit le leger mouvement de levres d'une mourante qui voudrait
ouvrir la bouche, mais dont le regard ne reconnait plus. Puis elle se
tourna, debo
|