d'Oriane?
demanda vivement le duc de Guermantes a Mme de Villeparisis.--Oui, je le
trouve tres drole." Cela ne suffisait pas au duc: "Eh bien, moi, je ne
le trouve pas drole; ou plutot cela m'est tout a fait egal qu'il soit
drole ou non. Je ne fais aucun cas de l'esprit." M. d'Argencourt
protestait. "Il ne pense pas un mot de ce qu'il dit", murmura la
duchesse. "C'est sans doute parce que j'ai fait partie des Chambres ou
j'ai entendu des discours brillants qui ne signifiaient rien. J'ai
appris a y apprecier surtout la logique. C'est sans doute a cela que je
dois de n'avoir pas ete reelu. Les choses droles me sont
indifferentes.--Basin, ne faites pas le Joseph Prudhomme, mon petit,
vous savez bien que personne n'aime plus l'esprit que vous.--Laissez-moi
finir. C'est justement parce que je suis insensible a un certain genre
de faceties, que je prise souvent l'esprit de ma femme. Car il part
generalement d'une observation juste. Elle raisonne comme un homme, elle
formule comme un ecrivain."
Peut-etre la raison pour laquelle M. de Norpois parlait ainsi a Bloch
comme s'ils eussent ete d'accord venait-elle de ce qu'il etait tellement
antidreyfusard que, trouvant que le gouvernement ne l'etait pas assez,
il en etait l'ennemi tout autant qu'etaient les dreyfusards. Peut-etre
parce que l'objet auquel il s'attachait en politique etait quelque chose
de plus profond, situe dans un autre plan, et d'ou le dreyfusisme
apparaissait comme une modalite sans importance et qui ne merite pas de
retenir un patriote soucieux des grandes questions exterieures.
Peut-etre, plutot, parce que les maximes de sa sagesse politique ne
s'appliquant qu'a des questions de forme, de procede, d'opportunite,
elles etaient aussi impuissantes a resoudre les questions de fond qu'en
philosophie la pure logique l'est a trancher les questions d'existence,
ou que cette sagesse meme lui fit trouver dangereux de traiter de ces
sujets et que, par prudence, il ne voulut parler que de circonstances
secondaires. Mais ou Bloch se trompait, c'est quand il croyait que M. de
Norpois, meme moins prudent de caractere et d'esprit moins exclusivement
formel, eut pu, s'il l'avait voulu, lui dire la verite sur le role
d'Henry, de Picquart, de du Paty de Clam, sur tous les points de
l'affaire. La verite, en effet, sur toutes ces choses, Bloch ne pouvait
douter que M. de Norpois la connut. Comment l'aurait-il ignoree
puisqu'il connaissait les ministres? Certes, Bloch pensait que l
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