eroi. Mais
personne ne sait plus guere aujourd'hui qui etait Mme Leroi, son
jugement s'est evanoui, et c'est le salon de Mme de Villeparisis, ou
frequentait la reine de Suede, ou avaient frequente le duc d'Aumale, le
duc de Broglie, Thiers, Montalembert, Mgr Dupanloup, qui sera considere
comme un des plus brillants du XIXe siecle par cette posterite qui n'a
pas change depuis les temps d'Homere et de Pindare, et pour qui le rang
enviable c'est la haute naissance, royale ou quasi royale, l'amitie des
rois, des chefs du peuple, des hommes illustres.
Or, de tout cela Mme de Villeparisis avait un peu dans son salon actuel
et dans les souvenirs, quelquefois retouches legerement, a l'aide
desquels elle le prolongeait dans le passe. Puis M. de Norpois, qui
n'etait pas capable de refaire une vraie situation a son amie, lui
amenait en revanche les hommes d'Etat etrangers ou francais qui avaient
besoin de lui et savaient que la seule maniere efficace de lui faire
leur cour etait de frequenter chez Mme de Villeparisis. Peut-etre Mme
Leroi connaissait-elle aussi ces eminentes personnalites europeennes.
Mais en femme agreable et qui fuit le ton des bas bleus elle se gardait
de parler de la question d'Orient aux premiers ministres aussi bien que
de l'essence de l'amour aux romanciers et aux philosophes. "L'amour?
avait-elle repondu une fois a une dame pretentieuse qui lui avait
demande: "Que pensez-vous de l'amour?" L'amour? je le fais souvent mais
je n'en parle jamais." Quand elle avait chez elle de ces celebrites de
la litterature et de la politique elle se contentait, comme la duchesse
de Guermantes, de les faire jouer au poker. Ils aimaient souvent mieux
cela que les grandes conversations a idees generales ou les contraignait
Mme de Villeparisis. Mais ces conversations, peut-etre ridicules dans le
monde, ont fourni aux "Souvenirs" de Mme de Villeparisis de ces morceaux
excellents, de ces dissertations politiques qui font bien dans des
Memoires comme dans les tragedies a la Corneille. D'ailleurs les salons
des Mme de Villeparisis peuvent seuls passer a la posterite parce que
les Mme Leroi ne savent pas ecrire, et le sauraient-elles, n'en auraient
pas le temps. Et si les dispositions litteraires des Mme de Villeparisis
sont la cause du dedain des Mme Leroi, a son tour le dedain des Mme
Leroi sert singulierement les dispositions litteraires des Mme de
Villeparisis en faisant aux dames bas bleus le loisir que reclame la
carriere des
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