pouf, car elle etait une grande amie de
la mere du jeune duc, lequel avait, a cause de cela et depuis son
enfance, un extreme respect pour elle. Grands, minces, la peau et les
cheveux dores, tout a fait de type Guermantes, ces deux jeunes gens
avaient l'air d'une condensation de la lumiere printaniere et vesperale
qui inondait le grand salon. Suivant une habitude qui etait a la mode a
ce moment-la, ils poserent leurs hauts de forme par terre, pres d'eux.
L'historien de la Fronde pensa qu'ils etaient genes comme un paysan
entrant a la mairie et ne sachant que faire de son chapeau. Croyant
devoir venir charitablement en aide a la gaucherie et a la timidite
qu'il leur supposait:
--Non, non, leur dit-il, ne les posez pas par terre, vous allez les
abimer.
Un regard du baron de Guermantes, en rendant oblique le plan de ses
prunelles, y roula tout a coup une couleur d'un bleu cru et tranchant
qui glaca le bienveillant historien.
--Comment s'appelle ce monsieur, me demanda le baron, qui venait de
m'etre presente par Mme de Villeparisis?
--M. Pierre, repondis-je a mi-voix.
--Pierre de quoi?
--Pierre, c'est son nom, c'est un historien de grande valeur.
--Ah!... vous m'en direz tant.
--Non, c'est une nouvelle habitude qu'ont ces messieurs de poser leurs
chapeaux a terre, expliqua Mme de Villeparisis, je suis comme vous, je
ne m'y habitue pas. Mais j'aime mieux cela que mon neveu Robert qui
laisse toujours le sien dans l'antichambre. Je lui dis, quand je le vois
entrer ainsi, qu'il a l'air de l'horloger et je lui demande s'il vient
remonter les pendules.
--Vous parliez tout a l'heure, madame la marquise, du chapeau de M.
Mole, nous allons bientot arriver a faire, comme Aristote, un chapitre
des chapeaux, dit l'historien de la Fronde, un peu rassure par
l'intervention de Mme de Villeparisis, mais pourtant d'une voix encore
si faible que, sauf moi, personne ne l'entendit.
--Elle est vraiment etonnante la petite duchesse, dit M. d'Argencourt en
montrant Mme de Guermantes qui causait avec G... Des qu'il y a un homme
en vue dans un salon, il est toujours a cote d'elle. Evidemment cela ne
peut etre que le grand pontife qui se trouve la. Cela ne peut pas etre
tous les jours M. de Borelli, Schlumberger ou d'Avenel. Mais alors ce
sera M. Pierre Loti ou Edmond Rostand. Hier soir, chez les Doudeauville,
ou, entre parentheses, elle etait splendide sous son diademe
d'emeraudes, dans une grande robe rose a queue, elle avai
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