se moquer et
se tourna vers l'historien.
--Et celle-ci, c'est la fameuse Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse,
qui avait epouse en premieres noces M. de Luynes.
--Ma chere, Mme de Luynes me fait penser a Yolande; elle est venue hier
chez moi; si j'avais su que vous n'aviez votre soiree prise par
personne, je vous aurais envoye chercher; Mme Ristori, qui est venue a
l'improviste, a dit devant l'auteur des vers de la reine Carmen Sylva,
c'etait d'une beaute!
"Quelle perfidie! pensa Mme de Villeparisis. C'est surement de cela
qu'elle parlait tout bas, l'autre jour, a Mme de Beaulaincourt et a Mme
de Chaponay."--J'etais libre, mais je ne serais pas venue,
repondit-elle. J'ai entendu Mme Ristori dans son beau temps, ce n'est
plus qu'une ruine. Et puis je deteste les vers de Carmen Sylva. La
Ristori est venue ici une fois, amenee par la duchesse d'Aoste, dire un
chant de _l'Enfer,_ de Dante. Voila ou elle est incomparable.
Alix supporta le coup sans faiblir. Elle restait de marbre. Son regard
etait percant et vide, son nez noblement arque. Mais une joue
s'ecaillait. Des vegetations legeres, etranges, vertes et roses,
envahissaient le menton. Peut-etre un hiver de plus la jetterait bas.
--Tenez, monsieur, si vous aimez la peinture, regardez le portrait de
Mme de Montmorency, dit Mme de Villeparisis a Legrandin pour interrompre
les compliments qui recommencaient.
Profitant de ce qu'il s'etait eloigne, Mme de Guermantes le designa a sa
tante d'un regard ironique et interrogateur.
--C'est M. Legrandin, dit a mi-voix Mme de Villeparisis; il a une soeur
qui s'appelle Mme de Cambremer, ce qui ne doit pas, du reste, te dire
plus qu'a moi.
--Comment, mais je la connais parfaitement, s'ecria en mettant sa main
devant sa bouche Mme de Guermantes. Ou plutot je ne la connais pas, mais
je ne sais pas ce qui a pris a Basin, qui rencontre Dieu sait ou le
mari, de dire a cette grosse femme de venir me voir. Je ne peux pas vous
dire ce que c'a ete que sa visite. Elle m'a raconte qu'elle etait allee
a Londres, elle m'a enumere tous les tableaux du British. Telle que vous
me voyez, en sortant de chez vous je vais fourrer un carton chez ce
monstre. Et ne croyez pas que ce soit des plus faciles, car sous
pretexte qu'elle est mourante elle est toujours chez elle et, qu'on y
aille a sept heures du soir ou a neuf heures du matin, elle est prete a
vous offrir des tartes aux fraises.
--Mais bien entendu, voyons, c'est un monstre,
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