i y etait
assise et reprenait alors le meme air de perspicacite et de cette meme
desapprobation que le respect de Mme de Guermantes pour sa tante l'eut
empechee d'exprimer, mais enfin qu'elle eut eprouvee si elle eut
constate sur les fauteuils au lieu de notre presence celle d'une tache
de graisse ou d'une couche de poussiere.
L'excellent ecrivain G---- entra; il venait faire a Mme de Villeparisis
une visite qu'il considerait comme une corvee. La duchesse, qui fut
enchantee de le retrouver, ne lui fit pourtant pas signe, mais tout
naturellement il vint pres d'elle, le charme qu'elle avait, son tact, sa
simplicite la lui faisant considerer comme une femme d'esprit.
D'ailleurs la politesse lui faisait un devoir d'aller aupres d'elle,
car, comme il etait agreable et celebre, Mme de Guermantes l'invitait
souvent a dejeuner meme en tete a tete avec elle et son mari, ou
l'automne, a Guermantes, profitait de cette intimite pour le convier
certains soirs a diner avec des altesses curieuses de le rencontrer. Car
la duchesse aimait a recevoir certains hommes d'elite, a la condition
toutefois qu'ils fussent garcons, condition que, meme maries, ils
remplissaient toujours pour elle, car comme leurs femmes, toujours plus
ou moins vulgaires, eussent fait tache dans un salon ou il n'y avait que
les plus elegantes beautes de Paris, c'est toujours sans elles qu'ils
etaient invites; et le duc, pour prevenir toute susceptibilite,
expliquait a ces veufs malgre eux que la duchesse ne recevait pas de
femmes, ne supportait pas la societe des femmes, presque comme si
c'etait par ordonnance du medecin et comme il eut dit qu'elle ne pouvait
rester dans une chambre ou il y avait des odeurs, manger trop sale,
voyager en arriere ou porter un corset. Il est vrai que ces grands
hommes voyaient chez les Guermantes la princesse de Parme, la princesse
de Sagan (que Francoise, entendant toujours parler d'elle, finit par
appeler, croyant ce feminin exige par la grammaire, la Sagante), et bien
d'autres, mais on justifiait leur presence en disant que c'etait la
famille, ou des amies d'enfance qu'on ne pouvait eliminer. Persuades ou
non par les explications que le duc de Guermantes leur avait donnees sur
la singuliere maladie de la duchesse de ne pouvoir frequenter des
femmes, les grands hommes les transmettaient a leurs epouses.
Quelques-unes pensaient que la maladie n'etait qu'un pretexte pour
cacher sa jalousie, parce que la duchesse voulait etre seule a
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