ille, de l'imperatrice d'Autriche.
Mme de Villeparisis, coiffee d'un bonnet de dentelles noires de l'ancien
temps (qu'elle conservait avec le meme instinct avise de la couleur
locale ou historique qu'un hotelier breton qui, si parisienne que soit
devenue sa clientele, croit plus habile de faire garder a ses servantes
la coiffe et les grandes manches), etait assise a un petit bureau, ou
devant elle, a cote de ses pinceaux, de sa palette et d'une aquarelle de
fleurs commencee, il y avait dans des verres, dans des soucoupes, dans
des tasses, des roses mousseuses, des zinnias, des cheveux de Venus,
qu'a cause de l'affluence a ce moment-la des visites elle s'etait
arretee de peindre, et qui avaient l'air d'achalander le comptoir d'une
fleuriste dans quelque estampe du XVIIIe siecle. Dans ce salon
legerement chauffe a dessein, parce que la marquise s'etait enrhumee en
revenant de son chateau, il y avait, parmi les personnes presentes quand
j'arrivai, un archiviste avec qui Mme de Villeparisis avait classe le
matin les lettres autographes de personnages historiques a elle
adressees et qui etaient destinees a figurer en _fac-similes_ comme
pieces justificatives dans les Memoires qu'elle etait en train de
rediger, et un historien solennel et intimide qui, ayant appris qu'elle
possedait par heritage un portrait de la duchesse de Montmorency, etait
venu lui demander la permission de reproduire ce portrait dans une
planche de son ouvrage sur la Fronde, visiteurs auxquels vint se
joindre mon ancien camarade Bloch, maintenant jeune auteur dramatique,
sur qui elle comptait pour lui procurer a l'oeil des artistes qui
joueraient a ses prochaines matinees. Il est vrai que le kaleidoscope
social etait en train de tourner et que l'affaire Dreyfus allait
precipiter les Juifs au dernier rang de l'echelle sociale. Mais, d'une
part, le cyclone dreyfusiste avait beau faire rage, ce n'est pas au
debut d'une tempete que les vagues atteignent leur plus grand courroux.
Puis Mme de Villeparisis, laissant toute une partie de sa famille tonner
contre les Juifs, etait jusqu'ici restee entierement etrangere a
l'Affaire et ne s'en souciait pas. Enfin un jeune homme comme Bloch, que
personne ne connaissait, pouvait passer inapercu, alors que de grands
Juifs representatifs de leur parti etaient deja menaces. Il avait
maintenant le menton ponctue d'un "bouc", il portait un binocle, une
longue redingote, un gant, comme un rouleau de papyrus a la main. Les
Rou
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