s tourbillons de fumee.
Et, toujours, les cloches mugissaient.
A un tournant de rue, les Pardaillan s'arreterent petrifies.
Ils eussent voulu fuir l'atroce apparition.
Devant eux, a vingt pas, une bande venait d'apparaitre. Elle se
composait d'une cinquantaine de carnassiers marchant en rangs serres;
derriere eux venait une foule enorme, armee de gourdins, de vieilles
epees, de piques rouges.
Les cinquante qui marchaient en tete etaient solidement armes de
poignards. Toutes ces lames etaient rouges de sang.
Tous portaient la croix blanche.
Une quinzaine d'entre eux etaient a cheval.
Or, devant toute la bande, marchaient trois hommes. Ces trois hommes
portaient des piques. Au bout de chacune de ces piques, il y avait une
tete!...
--Vive Kervier! Vive Kervier! vociferait la foule frenetique.
Kervier! le libraire Kervier! Cervier! Loup-Cervier! Il brandissait sa
pique au haut de laquelle la tete blafarde se balancait...
Cette tete, les deux Pardaillan la reconnurent ensemble et un meme
fremissement d'horreur les secoua.
--Ramus!
Le chevalier avait murmure le nom en fermant un instant les yeux...
C'etait bien la tete du pauvre et inoffensif savant...
Les yeux du chevalier demeuraient fixes sur cette tete. Puis ces yeux
s'abaisserent sur celui qui portait la pique, sur Kervier. Le chevalier
trembla. Cette impression d'horreur et de pitie qui l'avait paralyse fit
place a une furieuse colere qui blanchit ses levres.
Kervier vit cette figure convulsee qui le regardait; il y lut le mepris
foudroyant qui y eclatait. Il eut un grondement et fit un geste pour
designer les deux Pardaillan; dans la meme seconde, il tomba, roula sur
la chaussee qu'il talonna. Il cria:
--Malediction!
Et il expira: une balle de pistolet venait de le frapper en plein front,
et ce coup de pistolet c'etait le chevalier qui l'avait tire. Rudement,
un grand gaillard a croix blanche venait de le heurter; cet homme
agitait un pistolet charge; d'un coup de poing, Pardaillan l'avait
arrete net, lui avait arrache son pistolet et avait fait feu!
Au meme instant, il y eut contre les deux Pardaillan une ruee feroce,
une sauvage clameur de mort, des coups d'arquebuse retentirent, cinq
cents loups furieux aboyerent lugubrement devant une allee ou les deux
heretiques s'enfoncaient tous voulurent penetrer a la fois, mais, plus
prompt, plus furieux que tous, un cavalier, un geant vetu de rouge et
qui appartenait sans doute a la
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