ye de prendre pied dans cette rue. Il y
avait la un prodigieux encombrement de peuple qui roulait vers la Seine
ses flots vertigineux, parmi les lourdes volutes de fumee, parmi les
hurlements de mort, dans le tumulte inlassable des cloches et des
arquebusades...
Dans ce remous, les Pardaillan furent saisis, entraines ou?... Ils
ne savaient pas! Ils avaient la tete perdue d'angoisse. Des nausees
violentes soulevaient leurs coeurs...
Et, comme ils s'etonnaient vaguement que les carnassiers d'alentour ne
se jetassent pas sur eux, soudain ils virent que chacun d'eux avait un
brassard blanc au bras droit...
C'etait Huguette qui, d'une main rapide et legere sans qu'ils s'en
apercussent, les avait marques du talisman de protection.
Le chevalier degrafa le brassard d'un geste de colere; il n'etait pas
huguenot. Etait-il catholique? En realite il ignorait l'une et l'autre
religion. Il voulut jeter le brassard; le vieux Pardaillan le saisit au
vol, et le mit dans sa poche en disant:
--Par Pilate, conserve-le au moins comme un souvenir de la bonne
Huguette!
Le chevalier haussa les epaules.
En enfouissant l'etoffe blanche au fond de sa poche, le vieux routier
sentit un papier qu'il froissait.
--Qu'est cela? dit-il.
--Quoi?...
--Rien... je me rappelle... marchons.
Ce n'etait rien, en effet, ou pas grand-chose, pensait le routier; au
moment ou ils avaient quitte la cour de l'hotel Coligny, Pardaillan pere
avait apercu ce papier tombe aux pieds de Beme cloue a la porte, l'epieu
en travers de la poitrine. Machinalement, il avait ramasse le papier et
l'avait fourre dans sa poche.
Ils continuerent donc a suivre le flot humain qui les portait vers la
Seine qu'il leur fallait traverser pour marcher sur l'hotel Montmorency.
Mais, a l'embouchure du pont, ils durent s'arreter devant une foule de
huit a dix mille forcenes.
Tout a coup, ils purent se jeter dans une ruelle et fuir l'effroyable
tumulte... ils coururent haletants, hagards, et, brusquement, se
trouverent pres d'un enclos entoure de murs assez bas; et ce coin de
Paris leur apparut paisible, souriant, tranquille...
XLII
L'OASIS
Ou etaient-ils?... Ils ne savaient pas. Quelle heure etait-il?... Ils ne
savaient pas. Ils respirerent, essuyerent la sueur qui inondait leurs
visages livides.
A dix pas sur la gauche, il y avait une porte spacieuse. Pres de la
porte s'elevait une construction basse, une sorte de cabane.
L'esprit repose, et rafra
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