iblement et qui jeterent leurs bequilles des qu'elles
furent dans le cabaret. Vers minuit, l'auberge etait bondee, toutes ses
salles occupees, toutes ses tables prises: et la grouillait un monde
fantastique, rien que des femmes, toute la Cour des Miracles femelle,
truandes, diseuses de bonne aventure, danseuses de corde, mendiantes,
les unes jolies sous les haillons, les autres hideuses, toutes vetues de
pieces et morceaux.
A toutes, Catho, aidee de deux ou trois femmes, servait a manger,
versait a boire; elle causait vivement a quelques-unes, glissant a
celle-ci un ducat, a celle-la un ecu d'or...
Puis, tout a coup, apres que Catho eut dit quelques mots, cette vision
s'evanouit; les bequillardes reprirent leurs bequilles, les bossues leur
bosse, les borgnes leur emplatre, et, en quelques minutes, l'auberge se
vida.
Tout ce monde inoui, exorbitant, s'etait enfonce dans l'ombre sereine de
la nuit d'ete.
Catho, alors, alla a une armoire et en tira trois sacs d'ecus d'argent
et d'or.
"La fin!" murmura-t-elle avec une grimace.
Vers une heure, le cabaret, qui s'etait vide, commenca a se remplir de
nouveau; cette fois encore, il ne vint que des femmes. Et leur misere, a
celles-ci, etait plus decente et s'attifait d'oripeaux. Il y en avait
de tres jolies. Il y en avait des laides. La plupart etaient jeunes.
Presque toutes portaient la robe lache et la ceinture; beaucoup de ces
ceintures etaient brodees d'or...
Et c'etaient les ribaudes, toutes celles qui faisaient metier de leur
corps, et que Catho, l'une apres l'autre, avait depuis trois jours
decidees. Elles riaient, chantaient, les unes d'une voix douce et
dolente, les autres d'une voix enrouee; toutes buvaient, buvaient!
Catho recommenca la distribution des ecus. Ses trois sacs se viderent.
Alors, les ribaudes, par petits groupes, s'en allerent dans la nuit
silencieuse, et l'auberge demeura vide.
Catho prit une lanterne et descendit a sa cave; elle vit qu'il ne lui
restait plus une bouteille de vin, plus un flacon de liqueur! Elle
remonta dans le cabaret, penetra dans l'office et vit qu'il ne lui
restait plus un jambon, plus un morceau de pain, plus une volaille, plus
un pate!... Elle monta a sa chambre, ouvrit ses armoires et vit que,
depuis deux jours, elle avait vendu ce qu'elle possedait pour en faire
de l'argent... Elle ouvrit l'armoire ou elle avait place son argent, vit
qu'il ne lui restait plus un sou...
"Bah!" dit-elle simplement.
Alors
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