e effroyable se deroulait au Temple, avec, pour uniques
personnages, le vieux routier et son fils, le chevalier de Pardaillan.
C'etait une de ces scenes qui, par l'epouvante qu'elles degagent,
depassent l'imagination et devant lesquelles la plume du romancier
hesite et tremble. Mais, pour la presenter au lecteur, nous devons, pour
quelques moments, nous attacher aux faits et gestes d'un personnage sur
lequel nous concentrons toute notre attention.
Ce personnage, c'etait l'astrologue de la reine, Ruggieri.
Ruggieri etait sans doute l'homme le plus convaincu de la cour de
France. Il avait la foi. Il croyait, d'une croyance profonde et sincere,
a la possibilite de l'Absolu. Etait-ce un fou? C'est possible, sans que
ce soit certain.
L'astrologue portait en lui le mystere du Moyen Age agonisant. Ne a
Florence, il etait peut-etre le fils de quelque magicienne syriaque ou
egyptienne, qui lui avait transmis l'amour des etudes esoteriques.
L'alchimie et l'astrologie etaient la double et incessante preoccupation
de cet homme. En cherchant la pierre philosophale, en manipulant et
en combinant des corps chimiques, Ruggieri avait trouve des poisons
redoutables.
Mais il faut noter que, pour lui, la pierre philosophale et la
connaissance de l'avenir par les astres n'etaient que deux formes de
l'Absolu. Ses etudes esoteriques comprenaient une troisieme forme, qui
etait la recherche de l'immortalite de l'homme.
Ainsi donc: la toute-puissance par la richesse infinie, la science
absolue par la connaissance de l'avenir; la parfaite jouissance de la
vie par l'immortalite, voila le reve fabuleux qui hantait ce cerveau.
Quand il etait fatigue de regarder au ciel, il redescendait a la chimie;
quand il etait fatigue de se pencher sur ses creusets, il se colletait
avec la mort...
Et, courbe sur le cadavre de quelque supplicie qu'il avait achete au
bourreau, il cherchait, oui, il cherchait le moyen de faire revivre ce
cadavre!...
"Qu'est-ce que le coeur? songeait-il: un balancier. Qu'est-ce que le
sang? Le charroi de la vie. Voici un corps. Le sang y est toujours,
c'est-a-dire le moyen de vehiculer la vie. Le coeur y est toujours,
c'est-a-dire le regulateur necessaire aux mouvements de la vie. Nerfs,
muscles, chair, cerveau, tout y est. Or, ce corps, tel qu'il est
maintenant, vivait ce matin. Il a fallu qu'une corde l'ait serre au cou
pour qu'il devienne cadavre. Et, cependant, il est tel qu'il etait avant
la pendaison. Que
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