manque-t-il a ce corps de matiere? Evidemment le corps
astral qui mettait en mouvement le balancier et charriait de la vie a
travers les veines. De quoi s'agit-il donc, en somme? D'obliger ce corps
astral a se reincarner en ce corps materiel. Voila tout!
Quand il avait bien ainsi reve, Ruggieri modelait une statuette de cire
qui representait a ses yeux le corps astral du cadavre. Et, sur ce
simulacre, il essayait ses incantations...
Quelquefois, il lui avait semble voir le cadavre tressaillir comme pret
a se reveiller. Mais l'illusion s'envolait bientot.
A force de triturer le probleme sous toutes ses faces, un jour, il se
frappa le front:
"Quelle erreur! murmura-t-il. Je dis que le sang est dans le cadavre.
Oui, il y est. Mais il n'y est plus a l'etat liquide. Il est coagule.
Il ne peut plus charrier la vie. Il faudra donc au prochain cadavre que
j'acheterai, il faudra qu'avant toute incantation je lui transfuse un
sang vivant!..."
Or, maintenant que nous avons complete le portrait de Ruggieri,
maintenant qu'une lumiere livide, mais necessaire, a ete projetee sur
cette monstrueuse silhouette, nous prierons le lecteur de se transporter
cinq jours en arriere, jusqu'au moment ou le groupe d'hommes, que
nous avons signale en temps et lieu, penetra dans l'eglise
Saint-Germain-l'Auxerrois et enleva le cadavre de Marillac.
Catherine s'etait montree genereuse: a Panigarola, elle laissait le
cadavre d'Alice; a Ruggieri, elle envoyait celui de son fils. Ruggieri
attendait, en effet, hors l'eglise. Quand il vit les hommes qui
emportaient Marillac mort, il s'approcha et prononca quelques paroles,
sans doute un mot de reconnaissance.
Alors, il fit un signe, et les funebres porteurs se mirent a le suivre.
Arrive rue de la Hache, Ruggieri s'arreta non loin de la maison qu'avait
habitee Alice de Lux et, ayant fait deposer le cadavre a terre, il
renvoya les porteurs.
A grand-peine, il souleva le corps et le transporta ou plutot le traina
jusque dans les jardins. Et il referma la petite porte. Puis, a nouveau,
il chargea sur ses epaules le lugubre fardeau et parvint enfin jusqu'a
la maison si coquette ou se trouvaient ses laboratoires.
Lorsque le corps se trouva etendu sur une grande table de marbre,
lorsque Ruggieri l'eut deshabille et soigneusement lave, sa premiere
besogne fut de lui injecter des aromates destines a empecher toute
decomposition pendant quelques jours au moins; et ceci n'etait qu'un jeu
pour ce r
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