, elle prit une forte dague qu'elle placa a sa ceinture, sortit,
ferma la porte du cabaret devaste, placa les clefs sous la porte et
s'eloigna a son tour.
XXIX
CE QU'IL Y AVAIT DANS LE SILENCE
La nuit etait claire; c'est-a-dire que le ciel, constelle du zenith
jusqu'a l'horizon, paraissait tout pale, de cette paleur indecise et
tendre de la toute premiere aube Pourtant l'aube etait loin encore.
Catho marchait, etonnee de cette majestueuse serenite; bien que son ame
inculte et farouche fut peu apte a regarder face a face les beautes
insondables, elle levait parfois la tete vers le zenith diamante; puis
peut-etre parce qu'elle ne pouvait saisir l'emotion qui tombait de ces
harmonies, elle baissait son regard en frissonnant.
Seulement, elle pensait:
"Comme la nuit est belle!"
Elle s'etonna que Paris fut aussi profondement silencieux.
Ou etaient les amoureux? Ou etaient les truands? Pourquoi tout le monde
se cachait-il?
Tout a coup, elle vit une porte s'ouvrir, la porte d'une belle maison,
la maison de quelque homme noble ou tout au moins bourgeois. Une
quinzaine de personnages en sortirent. Ils etaient armes d'arquebuses,
de pistolets, de pertuisanes, de hallebardes. L'un d'eux portait une
lanterne sourde. Un autre portait un papier. Tous avaient un brassard
blanc, quelques-uns une croix blanche sur le pourpoint.
Cette troupe se mit en marche.
L'homme qui tenait le papier marchait en tete, pres de l'homme a la
lanterne.
"Ou vont-ils? Que font-ils?" se demandait Catho en poursuivant sa route.
La troupe s'arreta soudain; l'homme qui etait en tete consulta son
papier et, s'approchant d'une maison, traca sur la porte un signe.
Ces gens alors allerent plus loin et Catho, etant arrivee devant la
porte, vit que le signe trace etait une croix blanche marquee a la
craie.
La troupe s'arreta encore devant deux autres maisons, et le meme homme
les marqua d'une croix blanche.
Puis ils tournerent brusquement dans une autre rue, et Catho poursuivit
son chemin.
Mais alors, a vingt pas devant elle, une deuxieme troupe lui apparut;
puis, a gauche, a droite, dans toutes les rues qu'elle longeait ou
qu'elle traversait, elle apercut des troupes pareilles. Et toutes
escortaient un homme qui portait un papier; cet homme s'arretait de
temps a autre, examinait son papier et marquait une maison d'une croix
blanche...
Catho compta d'abord ces petites lanternes sourdes qui se promenaient de
place en plac
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