ourire et designa un siege au duc
qui, sans se faire prier davantage, s'assit, campa son poing sur la
hanche et regarda fixement la souveraine, comme d'egal a egal.
--Il se croit deja roi! songea-t-elle.
Quel etait donc cet homme qui faisait trembler l'indomptable Catherine?
Henri Ier de Lorraine, duc de Guise, etait alors age de vingt-deux ans.
Il etait tres beau.
C'etait le vivant portrait de sa mere, Anne d'Este, duchesse de Nemours.
Il avait donc cette beaute male et reguliere de la superbe Italienne qui
avait peut-etre dans les veines un peu du sang de Lucrece Borgia.
Cette filiation eclatait sur son visage en orgueil et en dedain.
Il s'habillait magnifiquement, entretenait une maison plus fastueuse
que celle du roi; il portait au cou un triple collier de perles d'une
inestimable valeur, et la garde de son epee etait constellee de
diamants; les soieries les plus chatoyantes, les velours les plus fins
composaient son costume. Il penchait un peu la tete en arriere et
fermait a demi les yeux pour parler aux gens, comme s'il eut voulu
laisser tomber sa parole de plus haut. Sa certitude de monter sur le
trone de France etait, a cette epoque, absolue.
D'ou lui venait cette certitude qui, seule, lui donnait cette superbe
confiance, cette morgue fastueuse, cet orgueil intraitable? Nous
l'allons dire.
Notons, en passant, que ce magnifique cavalier qui eclipsait jusqu'au
duc d'Anjou en elegance, que ce type acheve de la beaute, connut toute
sa vie la singuliere destinee d'etre outrageusement trompe par sa femme:
les amants se succedaient dans son lit, et toujours le duc de Guise
montrait la morgue d'un etre a demi divin que le ridicule ne saurait
atteindre.
Si Henri de Guise tenait de sa mere la beaute du visage et la noblesse
outree des attitudes, il tenait de son pere la froide cruaute.
Francois de Lorraine, duc de Guise et d'Aumale, prince de Joinville
et marquis de Mayenne, avait tue quelquefois pour le seul plaisir de
tuer,--comme a Vassy; sans coeur, sans esprit, sans entrailles, tel
avait ete l'illustre, le magnanime, le brave Francois de Guise, que les
ecrivains se sont toujours efforces de presenter comme un modele de
vertu civique et guerriere.
La reine, ayant essaye de faire baisser les yeux a son redoutable
interlocuteur, resolut d'abattre au moins pour un temps ses esperances.
--Monsieur le duc, dit-elle d'une voix glaciale, on vous a sans doute
appris que le roi votre maitre s'est de
|