herine.
Guise alla ouvrir la porte d'un couloir et fit un signe. Une sorte de
colosse a figure niaise et poupine, aux mains enormes, aux yeux ronds
a fleui; de tete, bleu faience, au front bas et tetu, entra en se
dandinant.
Cet homme s'appelait Dianowitz. Mais, comme il etait d'origine
bohemienne, le duc de Guise, selon l'usage qui faisait nommer les
domestiques du nom de leur province, l'appelait Boheme et, par
abreviation, simplement Beme.
La reine regarda le geant avec une admiration exageree. Le geant sourit
et caressa sa moustache.
--Tu t'es charge de quelque chose pour cette nuit? demanda Catherine.
--De tuer l'Antechrist, oui. Si Votre Majeste veut, je lui coupe la
tete.
--Je le veux, dit la reine. Va, et obeis a ton maitre.
Le geant se dandina sur ses jambes, mais demeura sur place.
--Eh bien, Beme, as-tu entendu? fit le duc.
--Oui; mais je veux pouvoir sortir de Paris avec deux ou trois bons
compagnons qui m'escortent jusqu'a Rome... Vous savez que toutes les
portes sont fermees..."
Catherine s'assit et ecrivit rapidement quelques lignes sur un papier
qu'elle signa et sur lequel elle apposa le sceau royal.
Beme le lut attentivement. Il contenait ces mots:
Sauf-conduit pour toute porte de Paris, valable ce jourd'hui 23 aout et
jusque dans trois jours--Laissez passer le porteur des presentes et les
personnes qui l'accompagnent.--Service du Roi.
Le geant plia le papier et le placa dans son pourpoint.
--Tu oublies ceci, dit Catherine.
Elle laissa tomber une bourse pleine d'or sur le plancher.
Le geant se baissa, la ramassa et sortit convaincu qu'il avait produit
sur la reine une impression extraordinaire.
--Quelle magnifique brute! fit la reine. Je vous felicite, monsieur le
duc, d'etre capable d'avoir pres de vous de pareils serviteurs... Et,
maintenant, allons conferer avec nos amis.
La conference dura jusqu'a sept heures du soir.
Tout cet apres-midi, il y eut dans le Louvre des allees et venues
mysterieuses.
A diverses reprises, la reine envoya chercher le roi; mais le roi jouait
a la paume avec les huguenots et refusa constamment de se rendre a la
priere de sa mere.
Peut-etre esperait-il que, sans lui, on n'oserait prendre les decisions
supremes. Peut-etre voulait-il simplement s'etourdir.
A huit heures du soir, il y eut dans l'hotel du duc de Guise une reunion
de tous ceux qui avaient place en lui toutes leurs esperances et deja le
consideraient comme le roi
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