cervelle que de
meriter de toi un reproche." Aussi bien toutes les mercuriales de madame
Dupin demeuraient impuissantes, et le pauvre Deschartres, charge du role
de Mentor, etait berne sans vergogne, alors qu'il s'appliquait a tenir son
ancien ecolier sous sa ferule. "Un matin, raconte George Sand, mon pere
s'esquive de leur commun logement, et va rejoindre Victoire dans le jardin
du Palais-Royal, ou ils s'etaient donne rendez-vous pour dejeuner ensemble
chez un restaurateur. A peine se sont-ils retrouves, a peine Victoire
a-t-elle pris le bras de mon pere, que Deschartres, jouantle role de
Meduse, se presente au devant d'eux. Maurice paye d'audace, fait bonne
mine a son argus et lui propose de venir dejeuner en tiers. Deschartres
accepte. Il n'etait pas epicurien, pourtant il aimait les vins fins, et on
ne les lui epargna pas. Victoire prit le parti de le railler avec esprit
et douceur, et il parut s'humaniser un peu au dessert; mais quand il
s'agit de se separer, mon pere voulant reconduire son amie chez elle,
Deschartres retomba dans ses idees noires et reprit tristement le chemin
de son hotel."
Au printemps de 1802, Maurice va rejoindre son regiment a Charleville, et
Victoire l'accompagne. Aupres des camarades de la garnison et des gens de
la petite ville, ils passaient pour etre secretement maries. Il n'en etait
rien. Mais la naissance de plusieurs enfants vint resserrer etroitement
leurs liens. Ils ne pousserent pas l'imitation de Jean-Jacques jusqu'a les
livrer a la charite publique. Un seul survecut: ce devait etre George Sand,
qui ignore ou neglige de nous indiquer le nombre et le sexe des autres
enfants issus de cette union et emportes en bas age.
On etait alors dans une periode d'accalmie politique et militaire. Le
gouvernement personnel s'etablissait sur les ruines de la Republique.
L'oeuvre de reaction debutait par une entente avec la Cour de Rome, aux
fins de briser l'Eglise constitutionnelle et nationale de 1789. L'armee,
en sa grande majorite, accueillait assez mal cette premiere etape sur la
route de Canossa. "Le Concordat, ecrit Maurice Dupin a sa mere, ne fait
pas ici le moindre effet. Le peuple y est indifferent. Les gens riches,
meme ceux qui se piquent de religion, ont grand'peur qu'on n'augmente les
impots pour payer les eveques. Les militaires, qui ne peuvent pas obtenir
un sou dans les bureaux de la guerre, jurent de voir le palais episcopal
meuble aux frais du gouvernement." Et le jeune homm
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