de l'ete, M. et madame Dudevant retournerent a Nohant, et durant
les cinq annees suivantes Aurore ne devait guere s'en absenter. Sa sante,
chaque hiver, etait tres eprouvee par les rhumatismes qui l'obligeaient a
se couvrir de flanelle. "Je suis, mandait-elle a sa mere le 9 octobre 1826,
comme un capucin (a la salete pres) sous un cilice. Je commence a m'en
trouver bien et a ne plus sentir ce froid qui me glacait les os et me
rendait toute triste." En realite, elle souffre de la meme maladie morale
que Saint-Preux et Julie, Rene, Werther, Obermann. Elle a des crises de
melancolie causees par l'incompatibilite d'humeur--comme disent les gens
de basoche--et aggravees par l'inquietude d'un temperament litteraire.
Son unique consolation, c'est son fils Maurice, doue d'une sante robuste.
"Il est grand, ecrit-elle, gros et frais comme une pomme. Il est tres bon,
tres petulant, assez volontaire quoique peu gate, mais sans rancune, sans
memoire pour le chagrin et le ressentiment. Je crois que son caractere
sera sensible et aimant, mais que ses gouts seront inconstants; un fonds
d'heureuse insouciance lui fera, je pense, prendre son parti sur tout
assez promptement."
En depit de la tristesse et de la mauvaise sante, plusieurs des lettres
d'Aurore, datees de cette epoque, sont d'un tour assez leste, notamment
celle qui est adressee a sa mere le 17 juillet 1827. Elle la plaint d'etre
malheureuse dans le choix de ses servantes, mais lui demande si elle ne
les prend pas trop jeunes, a l'age de la coquetterie et de la legerete.
Elle lui conseille une femme d'un age mur, "quoiqu'il y ait souvent
l'inconvenient de l'humeur reveche et rabacheuse." Tout aussitot elle lui
offre le specimen de Marie Guillard, une des domestiques de Nohant, veuve
apres vingt ans de mariage avec un vieillard borgne: "C'est la plus drole
de vieille qui soit au monde. Active, laborieuse, propre et fidele, mais
grognon au dela de ce qu'on peut imaginer. Elle grogne le jour, et je
crois aussi la nuit en dormant. Elle grogne en faisant du beurre, elle
grogne en faisant manger ses poules, elle grogne en mangeant meme. Elle
grogne les autres, et, quand elle est seule, elle se grogne. Je ne la
rencontre jamais sans lui demander comment va la grognerie, et elle ne
grogne que de plus belle." Voila bien, sous la plume d'Aurore, un des
modeles du parfait domestique, attache a la maison et devoue a ses
maitres!
L'ete de 1827 fut en partie occupe par une saison thermale
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