tout au moins leur
impopularite, tel a ete le but des ouvrages de George Sand." Voici sa
replique: "Oui, monsieur, la ruine des _maris_, tel eut ete l'objet de mon
ambition, si je me fusse senti la force d'etre un _reformateur_." A quoi
se bornait donc son dessein? A attaquer les abus, les ridicules, les
prejuges et les vices du temps. Si elle a incrimine les _lois sociales_,
elle n'y a apporte aucune arriere-pensee subversive: "Qui pouvait me
supposer l'intention de refaire les lois du pays?" Et, quand des
saint-simoniens, philanthropes consciencieux, a la recherche de la verite,
lui ont demande ce qu'elle mettrait a la place des maris, "je leur ai
repondu naivement, dit-elle, que c'etait le _mariage_, de meme qu'a la
place des pretres, qui ont tant compromis la religion, je crois que c'est
la religion qu'il faut mettre." Enfin, pour excuser ses defaillances et
justifier ses aspirations, elle se place sous l'invocation de la _justice_,
"eternel reve des coeurs simples."
_Indiana_ parut le 19 mai 1832. Dans l'_Histoire de ma Vie_, George Sand
affirme que ce roman, compose a Nohant, fut commence sans projet et sans
espoir, voire meme sans aucun plan, mais surtout sans aucune des visees
sociales que la critique affecta d'y decouvrir. "On n'a pas manque,
poursuit-elle, de dire qu'_Indiana_ etait ma personne et mon histoire. Il
n'en est rien." Admettons la veracite de cette declaration. C'est a l'insu
de l'ecrivain que sont venus sous sa plume, a la faveur de la fiction, les
souvenirs de ses tristesses conjugales. Les malheurs d'Indiana ressemblent
a ceux d'Aurore; il y a une parente intellectuelle et morale, assez
facheuse d'ailleurs, entre le colonel Delmare, "vieille bravoure en
demi-solde," et Casimir Dudevant, officier demissionnaire.
Aussi bien, pour decouvrir l'idee maitresse et directrice d'_Indiana_, il
ne suffit pas de suivre les peripeties du roman, il convient encore de
comparer les deux prefaces, celle de 1832 et celle de 1842. La premiere
est modeste et plaide presque les circonstances attenuantes pour les
audaces de l'ouvrage: "Si quelques pages de ce livre encouraient le grave
reproche de tendance vers des croyances nouvelles, si des juges rigides
trouvaient leur allure imprudente et dangereuse, il faudrait repondre a la
critique qu'elle fait beaucoup trop d'honneur a une oeuvre sans
importance... Le narrateur n'a point la pretention de cacher un
enseignement grave sous la forme d'un conte; il ne vient pa
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