Je crois qu'une saignee pourrait le
soulager. Je vous prie de faire toutes ces observations au medecin et de
ne pas vous laisser rebuter par la difficulte que presente la disposition
indocile du malade. C'est la personne que j'aime le plus au monde, et je
suis dans une grande angoisse de la voir en cet etat.
"J'espere que vous aurez pour nous toute l'amitie que peuvent esperer deux
etrangers.
"Excusez le miserable italien que j'ecris.
"G. SAND."
Quel fut, au chevet de Musset, le diagnostic du docteur Pagello? Il l'a
resume longtemps apres, alors qu'il ne s'agissait plus de violer le secret
professionnel, dans une lettre au professeur Moreni: "L'impression que me
fit l'exterieur de Musset n'etait pas nouvelle pour moi; elle resta la
meme que quinze jours auparavant: figure fine et spirituelle, organisme
enclin a la phtisie, ce que l'on voyait a ses mains longues et maigres, au
faible developpement de sa poitrine, a sa figure tiree et a la rougeur de
ses pommettes. La maladie consistait en une fievre nerveuse typhoide[7].
La cure fut longue et difficile, par suite surtout de l'etat agite du
malade, qui fut mourant durant plusieurs jours. Enfin le mal prit une
tournure favorable, et le malade se retablit peu a peu. George Sand,
durant toute la maladie, le soigna avec l'empressement d'une mere,
constamment assise, nuit et jour, aupres de son lit, prenant a peine
quelques heures de repos, sans se deshabiller et seulement lorsque je la
remplacais."
[Note 7: "Une typhoidette compliquee de delire alcoolique," dit Pietro
Pagello dans son entretien avec le docteur Cabanes. (_Le Cabinet secret
de l'Histoire_, page 303.)]
Doute-t-on du temoignage de Pagello en faveur de la sollicitude vraiment
maternelle de George Sand? Il est corrobore par le plus intime ami de
Musset, Alfred Tattet, qui, de passage a Venise, avait sejourne aupres du
malade et ecrivait de Florence a Sainte-Beuve, le 17 mars 1834: "J'ai
tache de procurer quelques distractions a madame Dudevant, qui n'en
pouvait plus; la maladie d'Alfred l'avait beaucoup fatiguee. Je ne les ai
quittes que lorsqu'il m'a ete bien prouve que l'un etait tout a fait hors
de danger et que l'autre etait entierement remise de ses longues veilles.
Soyez donc maintenant sans inquietude, mon cher monsieur de Sainte-Beuve;
Alfred est dans les mains d'un jeune homme tout devoue, tres capable, et
qui le soigne comme un frere. Il a remplace aupres de lui un ane qui le
tuait tout bonn
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