trouver, et cherir pour l'admirer, c'etait le sanctuaire de mes
premieres, de mes longues, de mes continuelles reveries. Il y avait
vingt-deux ans que je vivais dans ces arbres mutiles, dans ces chemins
raboteux, le long de ces buissons incultes, au bord de ces ruisseaux dont
les rives ne sont praticables qu'aux enfants et aux troupeaux." La these
de _Valentine_ est la meme que celle d'_Indiana_. George Sand a voulu
montrer les dangers et les douleurs des unions mal assorties. "Il parait,
ajoute-t-elle, que, croyant faire de la prose, j'avais fait du
Saint-Simonisme sans le savoir."
Elle pretend n'avoir ni vu si loin ni vise si haut. Elle demandait a la
litterature le pain quotidien: "J'etais obligee d'ecrire et j'ecrivais."
L'intrigue de ce nouveau roman est assez attachante. Valentine, mariee a
un gentilhomme egoiste et cupide, M. de Lansac, aime un simple campagnard,
Benedict, qui, comme la plupart des heros de George Sand, n'a pas de
profession. C'est le fils de la nature, en face de ce Lansac, produit
d'une civilisation factice. Il sera aime de reste, le seduisant Benedict,
par toutes celles qui l'approchent, par la riche Athenais, fille du gros
fermier Lhery, par Louise, soeur ainee de Valentine, qui a du quitter le
toit familial a la suite d'une faute de jeunesse. Entre les trois d'abord
son coeur balance, puis s'arrete definitivement a Valentine. Sa tendresse
sera payee de retour. Cette fille noble aimera ce virtuose de l'amour, a
la fois poete et laboureur. "J'etais nee, dit-elle, pour etre fermiere."
Et elle ressentira la premiere commotion en jouant a cache-cache et a
colin-maillard, a la nuit tombante, dans les pres du pere Lhery, apres un
plantureux repas arrose de champagne. Benedict, guide, ce semble, par
l'instinct de l'amour--ou peut-etre en regardant sous le
bandeau--atteignait toujours Valentine, la saisissait et, feignant de ne
pas la reconnaitre, la gardait dans ses bras un peu plus longtemps qu'il
n'etait necessaire. "Ces jeux-la, observe George Sand, sont la plus
dangereuse chose du monde."
En quoi consistait le charme de Benedict, si irresistible qu'il s'emparait
de la chaste Valentine, qu'on nous depeint comme la plus belle oeuvre de
la creation et qui s'amourache d'un paysan? Voici les passages ou le
romancier trace le portrait de son heros. Benedict, doue d'une voix
harmonieuse, chante non loin du chateau. Valentine s'approche de la
fenetre, l'ecoute et le regarde, tandis qu'il descend le
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