res ouvertures d'Alfred leur mere repondit:
"Jamais je ne donnerai mon consentement a un voyage que je regarde comme
une chose dangereuse et fatale. Je sais que mon opposition sera inutile et
que tu partiras, mais ce sera contre mon gre et sans ma permission."
Devant les larmes de sa mere, il parut ceder et alla donner contre-ordre
aux preparatifs d'un depart tout prochain. George Sand ne se resigna pas
si aisement. Voici comment elle intervint le jour meme, si nous en croyons
Paul de Musset: "Ce soir-la, vers neuf heures, notre mere etait seule avec
sa fille au coin de feu, lorsqu'on vint lui dire qu'une dame l'attendait a
la porte dans une voiture de place, et demandait instamment a lui parler.
Elle descendit accompagnee d'un domestique. La dame inconnue se nomma;
elle supplia cette mere desolee de lui confier son fils, disant qu'elle
aurait pour lui une affection et des soins maternels. Les promesses ne
suffisant pas, elle alla jusqu'aux serments. Elle y employa toute son
eloquence, et il fallait qu'elle en eut beaucoup, puisqu'elle vint a bout
d'une telle entreprise. Dans un moment d'emotion, le consentement fut
arrache."
Selon ce recit, George Sand aurait reussi, par des paroles dorees, a
consommer sans violence l'enlevement ou plutot le detournement d'un jeune
homme a peine sorti de minorite. C'est a peu pres la meme version que nous
donne madame de Musset dans une lettre ecrite le 10 avril 1859, apres
l'apparition de _Lui et Elle_, et qui a ete rendue publique grace a M.
Maurice Clouard,[4] vigilant gardien de la memoire d'Alfred de Musset.
Elle rapporte, en des termes analogues a ceux de la _Biographie_, la venue
de George Sand dans un fiacre, 59 rue de Grenelle: "Je montai dans cette
voiture, dit madame de Musset, voyant une femme seule. C'etait _Elle_.
Alors elle employa toute l'eloquence dont elle etait maitresse a me
decider a lui confier mon fils, me repetant qu'elle l'aimerait comme une
mere, qu'elle le soignerait mieux que moi. Que sais-je? La sirene
m'arracha mon consentement. Je lui cedai, tout en larmes et a contre-coeur,
car _il avait une mere prudente_, bien qu'elle ait ose dire le contraire
dans _Elle et Lui_."
[Note 4: _Alfred de Musset et George Sand_, par M. Maurice Clouard,
dans la _Revue de Paris_ du 15 aout 1896.]
Quand elle redigeait cette lettre aigrie et portait cette accusation,
madame de Musset etait enfievree par le conflit de recriminations
retrospectives qui avait suivi la mort de
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