r 1831, elle ecrit
a Jules Boucoirau: "Je m'embarque sur la mer orageuse de la litterature.
Il faut vivre." Cinq jours plus tard, elle est moins explicite ou moins
franche dans une lettre a sa mere: "Vous me demandez ce que je viens faire
a Paris. Ce que tout le monde y vient faire, je pense: me distraire,
m'occuper des arts que l'on ne trouve que la dans tout leur eclat. Je
cours les musees, je prends des lecons de dessin; cela m'occupe tellement
que je ne vois presque personne." Elle ne parle pas de ses ambitions
litteraires, elle ne fait aucunement allusion aux compatriotes qu'elle
frequente assidument, les trois hugolatres, Alphonse Fleury, Felix Pyat,
Jules Sandeau. Ce dernier, ne a Aubusson le 19 fevrier 1811, devait etre
son initiateur, a tout le moins dans le monde des lettres. Il avait connu
M. et madame Dudevant, vers la fin de 1829, pres de La Chatre, dans une
maison amie, chez les Duvernet. C'est a Charles Duvernet precisement
qu'Aurore adressait, le 1er decembre 1830, une epitre romantique ou elle
manifeste tout son enthousiasme pour la libre existence parisienne et
profile quelques malicieuses silhouettes. D'abord celle de son
correspondant: "O blond Charles, jeune homme aux reveries sentimentales,
au caractere sombre comme un jour d'orage... L'hote solitaire des forets
desertes, le promeneur melancolique des sentiers ecartes et ombreux
n'etant plus la pour les chanter, ils sont devenus secs comme des fagots
et tristes comme la nature, veuve de toi, o jeune homme!" Puis c'est le
gigantesque Alphonse Fleury: "Homme aux pattes immenses, a la barbe
effrayante, au regard terrible; homme des premiers siecles, des siecles de
fer, homme au coeur de pierre, homme fossile, homme primitif, homme normal,
homme anterieur a la civilisation, anterieur au deluge." Et, donnant
cours a cette humeur de grosse bouffonnerie que le romantisme encourageait
et qui s'epanouira en Victor Hugo, elle le plaisante sur sa poitrine
volcanique, sur le refroidissement de la contree depuis qu'il ne la
rechauffe plus de son souffle, sur le dechainement des _vents_ que
n'emprisonnent plus ses poumons athletiques. "Depuis ton depart,
ecrit-elle, toutes les maisons de La Chatre ont ete ebranlees dans leurs
fondements, le moulin a vent a tourne pour la premiere fois, quoique
n'ayant ni ailes, ni voiles, ni pivot. La perruque de M. de la Genetiere a
ete emportee par une bourrasque au haut du clocher, et la jupe de madame
Saint-O... a ete relevee
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