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"M. de Keratry me parut plus age qu'il ne l'etait. Sa figure, encadree de
cheveux blancs, etait fort respectable. Il me fit entrer dans une jolie
chambre ou je vis, couchee sous un couvre-pied de soie rose tres galant,
une charmante petite femme qui jeta un regard de pitie languissante sur ma
robe de stoff et sur mes souliers crottes, et qui ne crut pas devoir
m'inviter a m'asseoir. Je me passai de la permission et demandai a mon
nouveau patron, en me fourrant dans la cheminee, si mademoiselle sa fille
etait malade. Je debutais par une insigne betise. Le vieillard me repondit,
d'un air tout gonfle d'orgueil armoricain, que c'etait la madame de
Keratry, sa femme. "Tres bien, lui dis-je, je vous en fais mon compliment;
mais elle est malade, et je la derange. Donc je me chauffe et je m'en
vas.--Un instant, reprit le protecteur; M. Duris-Dufresne m'a dit que vous
vouliez ecrire, et j'ai promis de causer avec vous de ce projet; mais
tenez, en deux mots, je serai franc, une femme ne doit pas ecrire.--Si
c'est votre opinion, nous n'avons point a causer, repris-je. Ce n'etait
pas la peine de nous eveiller si matin, madame de Keratry et moi, pour
entendre ce precepte."
Le plus joli mot de tout l'entretien fut celui de l'escalier ou plutot de
l'antichambre, alors que l'auteur du _Dernier des Beaumanoir_ parachevait
sa theorie sur l'inferiorite intellectuelle de la femme. Il eut, au seuil
de l'appartement, un trait superbe, a la Napoleon: "Croyez-moi, ne faites
pas de livres, faites des enfants." Il y a deux versions de la reponse de
George Sand. Voici la sienne: "Ma foi, monsieur, gardez le precepte pour
vous-meme, si bon vous semble." Henri de Latouche y apporta cette
variante: "Faites-en vous-meme, si vous pouvez."
Les lettres de George Sand, publiees par le vicomte de Spoelberch de
Lovenjoul dans la _Veritable Histoire de Elle et Lui_, presentent d'autre
sorte ses premieres relations avec Keratry. "Il m'a recue, ecrit-elle,
d'une maniere paternelle, et j'ai bonne esperance maintenant." De meme
elle mande, le 12 fevrier, a Jules Boucoiran: "Je vais chez Keratry le
matin et nous causons au coin du feu. Je lui ai raconte comme nous avions
pleure en lisant le _Dernier des Beaumanoir_. Il m'a dit qu'il etait plus
sensible a ce genre de triomphe qu'aux applaudissements des salons. C'est
un digne homme. J'espere beaucoup de sa protection pour vendre mon petit
roman. Je vais paraitre dans la _Revue de Paris_."
Entre temps, el
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