ndemain, quand la veille on me
l'avait brisee. Il y a un terme a tout." Et elle donne dans cette lettre
une explication que l'_Histoire de ma Vie_ passe sous silence. Elle a
trouve--etait-ce par hasard?--dans le secretaire de son mari un paquet a
son adresse, avec cette suscription: "Ne l'ouvrez qu'apres ma mort."
Naturellement elle l'a ouvert, n'ayant pas, dit-elle, la patience
d'attendre d'etre veuve. C'etait un testament, rempli pour elle de
maledictions et d'injures. Sur-le-champ son parti fut pris. Elle se
rappela la pension de 3.000 francs stipulee dans le contrat de mariage et
dont elle n'avait jamais use. Le jour meme de la decouverte, elle dit a
son mari: "Je veux cette pension, j'irai a Paris, mes enfants resteront a
Nohant." Ne s'eloignait-elle pas d'eux un peu bien aisement? Elle assure
que c'etait une menace, qu'elle comptait les emmener. Toujours est-il
qu'elle eut gain de cause. Apres huit ans d'humiliation, eclatait la
revolte. Il fut convenu qu'elle passerait six mois a Nohant, six mois a
Paris. Des qu'elle eut la certitude que Jules Boucoiran reviendrait
occuper sa place de precepteur aupres de Maurice, elle se prepara au
depart. Malgre son frere, malgre ses amis de La Chatre, elle prenait le 4
janvier 1831 le chemin de Paris. C'etait la route de la litterature.
CHAPITRE VI
LES DEBUTS LITTERAIRES
L'arrivee d'Aurore Dudevant a Paris, au commencement de janvier 1831, a
ete l'objet des recits les plus contradictoires et les plus bizarres.
Arsene Houssaye, dans ses _Confessions_ et ses _Souvenirs de Jeunesse_,
donne carriere a une imagination exuberante et conteuse. Felix Pyat a
publie, dans la _Grande Revue de Paris et de Petersbourg_, un article
intitule: _Comment j'ai connu George Sand_, qui est purement fantaisiste.
Il pretend etre alle, en compagnie de Jules Sandeau, son compatriote
berrichon, recevoir au bureau des diligences une dame qui n'etait autre
que la baronne Dudevant. Elle descendit de l'imperiale sous le costume
d'un jeune bachelier, en vetement de velours, avec un beret. Cette
anecdote est de tous points controuvee. La voyageuse n'avait pas pris la
diligence, comme en temoigne la lettre que sur-le-champ elle ecrivit a son
fils: "La chaise de poste ne fermait pas, j'etais glacee. Je ne suis
arrivee a Paris qu'a minuit. J'etais bien embarrassee de ma voiture, parce
qu'il n'y a pas de cour dans la maison que j'habite et que je ne pouvais
pas la laisser passer la nuit dans la rue.
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