ere, entre la croisee et la boiserie. Il ne m'avait
pas dit qu'il avait l'habitude de sortir... J'ensevelis ses tristes restes
dans une feuille de datura que je gardai longtemps comme une relique."
La mort de ce grillon, ainsi qu'elle l'observe avec delicatesse, va
marquer de facon symbolique la fin de son sejour a Nohant. Elle ecrivait
beaucoup, a l'aventure, d'abord par pure distraction, puis avec
l'arriere-pensee de trouver un gagne-pain et l'independance. Elle les
aurait demandes, tres volontiers, a la peinture ou a la broderie, mais ni
l'une ni l'autre n'etait remuneratrice. Or elle voulait etre libre. M.
Dudevant la traitait en enfant, lui apportant par exemple une procuration
a signer sans lui permettre de la lire. Une vocation litteraire s'eveilla
en elle, ou plutot le desir de vivre de sa prose. Vers douze ans, elle
avait commence un vague roman, _Corambe_; en 1827, elle composait le
_Voyage en Auvergne_; en 1829, la _Marraine_, qui ne fut pas publiee. "Je
reconnus, dit-elle, que j'ecrivais vite, facilement, longtemps, sans
fatigue; que mes idees, engourdies dans mon cerveau, s'eveillaient et
s'enchainaient par la deduction, au courant de la plume." Elle avait
secoue l'attachement platonique qui, durant de longues annees, avait lie
son ame a celle d'Aurelien de Seze. Ses enfants meme ne parvenaient pas a
la retenir a Nohant: la repulsion pour cette vie vulgaire et plate aupres
de M. Dudevant etait trop forte. "Ma petite chambre, s'ecrie-t-elle, ne
voulait plus de moi."
La Revolution de 1830, qu'elle accueillit avec enthousiasme, vint encore
accroitre son desir d'etre a Paris, parmi la fermentation des idees
nouvelles, d'y retrouver ses compatriotes, Duvernet, Fleury et Jules
Sandeau. Puis ce fut, au mois de septembre, un acces de fievre cerebrale
qui mit ses jours en danger. "Pendant quarante-huit heures, ecrit-elle a
sa mere, j'ai ete je ne sais ou. Mon corps etait bien au lit sous
l'apparence du sommeil, mais mon ame galopait dans je ne sais quelle
planete." Enfin un incident favorisa son evasion, lui inspira la
resolution definitive. Le 3 decembre 1830, elle ecrit a Jules Boucoiran:
"Sachez qu'en depit de mon inertie et de mon insouciance, de ma legerete a
m'etourdir, de ma facilite a pardonner, a oublier les chagrins et les
injures, sachez que je viens de prendre un parti violent. Vous connaissez
mon interieur, vous savez s'il est tolerable. Vous avez ete etonne vingt
fois de me voir relever la tete le le
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