partement
garni de l'hotel de Florence, rue Neuve des Mathurins, elle mit au monde
un fils qui fut nomme Maurice. On sait quelle affection elle lui voua et
quelle intimite d'existence, de pensee, quelle communion de tendresse il y
eut entre eux durant plus d'un demi-siecle. La _Correspondance_ de George
Sand en est l'eclatant temoignage. Des le premier vagissement, elle
eprouva l'emoi d'un coeur que Casimir Dudevant n'avait pas su toucher. "Ce
fut, dit-elle, le plus beau moment de ma vie que celui ou, apres une heure
de profond sommeil qui succeda aux douleurs terribles de cette crise, je
vis en m'eveillant ce petit etre endormi sur mon oreiller." Est-il besoin
de noter qu'en fidele disciple de Jean-Jacques elle allaita Maurice? Elle
se plaint seulement d'avoir garde le lit beaucoup plus longtemps qu'il
n'etait necessaire. Apres la naissance de sa fille, elle se vante de
s'etre levee le second jour et de s'en etre trouvee bien. C'etait une
precipitation un peu chanceuse.
Il fallut retourner a Nohant. Deschartres, qui etait venu a Paris pour le
bapteme de Maurice et qui l'avait consciencieusement demaillote afin de
s'assurer s'il etait bien conforme, ne voulait pas continuer
l'administration du domaine. Casimir Dudevant dut s'en charger, et
l'installation du menage a la campagne parut, sinon definitive, du moins a
long terme. Elle fut prejudiciable a l'un et a l'autre des epoux. Aurore,
au printemps de 1824, ressentit les atteintes d'un spleen profond. Son
mari, qui avait l'esprit terre a terre et de la vulgarite dans les gouts,
contracta les habitudes oisives et peu relevees du gentilhomme campagnard.
Chacun d'eux s'ennuyait de son cote, et ils s'ennuyaient d'etre ensemble.
Un sejour d'ete au Plessis vint rompre la monotonie de cette existence;
puis ils passerent l'hiver dans la banlieue de Paris, a Ormesson. "Nous
aimions la campagne, dit George Sand, mais nous avions peur de Nohant;
peur probablement de nous retrouver vis-a-vis l'un de l'autre, avec des
instincts differents et des caracteres qui ne se penetraient pas
mutuellement." Aussi bien Casimir, avec la fatuite du sot, traitait-il sa
femme du haut de son dedain. Il la jugeait idiote, l'accablait de la
superiorite de sa toute-puissance masculine. Elle courbait la tete,
"ecrasee et comme hebetee devant le monde." La premiere scene de violence
publique s'etait produite durant leur sejour au Plessis: George Sand n'en
fait pas mention dans l'_Histoire de ma Vie_, mai
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