ns remords, remerciez Dieu
d'avoir touche votre coeur; soyez toute a l'ivresse d'une sainte union de
votre ame avec le Sauveur." Elle communia le lendemain, fete de
l'Assomption. Elle avait quinze ans. Ce fut, a l'en croire, 1e veritable
jour de sa premiere communion. Dans l'intervalle, elle ne s'etait pas
approchee du sacrement. Pour reparer cette negligence, durant plusieurs
mois, elle communia tous les dimanches, et meme deux jours de suite. "J'en
suis revenue, dit-elle dans l'_Histoire de ma Vie_, a trouver fabuleuse et
inouie l'idee materialisee de manger la chair et de boire le sang d'un
Dieu; mais que m'importait alors?... Je brulais litteralement comme sainte
Therese; je ne dormais plus, je ne mangeais plus, je marchais sans
m'apercevoir du mouvement de mon corps; je me condamnais a des austerites
qui etaient sans merite, puisque je n'avais plus rien a immoler, a changer
ou a detruire en moi. Je ne sentais pas la langueur du jeune. Je portais
autour du cou un chapelet de filigrane qui m'ecorchait, en guise de
cilice. Je sentais la fraicheur des gouttes de mon sang, et au lieu d'une
douleur c'etait une sensation agreable. Enfin je vivais dans l'extase, mon
corps etait insensible, il n'existait plus." Bref, le mysticisme s'etait
empare d'elle, annihilait son corps et emportait sa pensee vers des songes
paradisiaques.
Par esprit sans doute de mortification, elle se plaisait au commerce des
soeurs converses chargees des basses besognes de la communaute, et
specialement de la soeur Helene, une pauvre ecossaise vouee a la phtisie,
qui s'arretait au milieu d'un couloir ou au bas d'un escalier, incapable
de porter les seaux d'eau sale qu'elle devait descendre du dortoir. Cette
malheureuse creature etait laide, vulgaire, marquee de taches de rousseur;
mais elle avait des dents merveilleuses et sur le visage une expression de
souffrance d'une infinie melancolie. Aurore voulut la seconder dans son
gros travail, l'aida a enlever ses seaux, a balayer, a frotter le parquet
de la chapelle, a epousseter et brosser les stalles des nonnes, voire meme
a faire les lits au dortoir. Qu'eut pense madame Dupin si elle avait su
que sa petite-fille se livrait a d'aussi viles occupations? En retour,
Aurore apprenait a soeur Helene les elements de la langue francaise, et
c'etait la un touchant echange de services. A l'image de son eleve, la
future chatelaine de Nohant voulait entrer en religion, et non pas comme
dame du choeur, mais comme
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