pres de Melun, chez des amis de l'oncle de Beaumont,
M. et madame Roettiers du Plessis, elle ne demanda qu'a y demeurer
plusieurs semaines, et sa mere consentit avec empressement. La famille
etait charmante et la maison tres agreable. Aurore s'y plut et s'y attarda,
entouree d'affection et de tendresse par madame Roettiers du Plessis.
Parmi les jeunes gens qui venaient en visite dans ce milieu tres
bonapartiste et dont le chef James, ancien ami de Maurice Dupin, a inspire
certains passages du roman de _Jacques_, figurait le fils naturel du baron
Dudevant, colonel en retraite. Casimir Dudevant avait vingt-sept ans; il
faisait son droit, apres avoir servi comme sous-lieutenant dans l'armee.
Il etait--dit George Sand a trente ans d'intervalle--"mince, assez elegant,
d'une figure gaie et d'une allure militaire" Au Plessis, il s'associait a
tous les jeux des enfants, colin-maillard, cache-cache, parties de barres
et d'escarpolette. Avec madame Angele Roettiers il etait affectueusement
familier, et, comme elle appelait Aurore "sa fille", il observa
malicieusement un jour: "Alors c'est ma femme? Vous savez que vous m'avez
promis la main de votre fille ainee." Ce badinage devait devenir une
realite.
La plaisanterie fut reprise par les uns, par les autres. Casimir disait a
madame Angele: "Votre fille est un bon garcon." Et Aurore de repliquer:
"Votre gendre est un bon enfant." Apres plusieurs sejours au Plessis qui
se rapprochaient et se prolongeaient, le jeune Dudevant declara ses
sentiments a mademoiselle Dupin, en s'excusant de ne pas agir selon les
usages, mais il voulait avoir son acquiescement et etre assure de sa
sympathie avant qu'une demarche fut tentee aupres de sa mere. Aurore
desira reflechir. Casimir etait tres estime par M. et madame Roettiers du
Plessis; il n'affectait pas une grande passion, restait silencieux sur le
chapitre de l'amour, parlait d'amitie, de bonheur domestique. Elle
appreciait cette reserve. Et, de vrai, il tenait un langage singulierement
calme, que d'autres jeunes filles, celles qui ont l'instinct et
l'enthousiasme de leur age, auraient juge refrigerant: "Je veux vous
avouer, disait-il, que j'ai ete frappe, a la premiere vue, de votre air
bon et raisonnable. Je ne vous ai trouvee ni belle ni jolie... Mais, quand
je me suis mis a rire et a jouer avec vous, il m'a semble que je vous
connaissais depuis longtemps et que nous etions deux vieux amis." On ne
saurait alleguer qu'il ait cherche a excite
|