ctees au couvent. La lecture du
_Genie du Christianisme_ et de l'_Imitation_, loin de la confirmer dans la
certitude de sa foi, lui apporta des scrupules et des doutes. Elle
trouvait une contradiction irreductible entre la doctrine de Gerson et
celle de Chateaubriand, et elle etait incapable d'opter. "Il me fallait,
dit-elle, faire un choix entre le ciel et la terre; ou la manne
d'ascetisme dont je m'etais a moitie nourrie etait un aliment pernicieux
dont il fallait a tout jamais me debarrasser, ou bien le livre (de
l'_Imitation_) avait raison, je devais repousser l'art et la science, et
la poesie, et le raisonnement, et l'amitie et la famille; passer les jours
et les nuits en extase et en prieres aupres de ma moribonde, et, de la,
divorcer avec toutes choses et m'envoler vers les lieux saints pour ne
jamais redescendre dans le commerce de l'humanite." Il en resultait pour
Aurore d'insurmontables perplexites et des points de vue differents, selon
qu'elle etait en pleine campagne, a cheval, ou dans sa chambre,
agenouillee sur son prie-Dieu. "Au galop de Folette, j'etais tout
Chateaubriand. A la clarte de ma lampe, j'etais tout Gerson et me
reprochais le soir mes pensees du matin." Entre temps, elle se tourmentait
de l'idee que sa grand'mere pouvait mourir sans sacrements, et elle
n'osait aborder avec la malade cette redoutable question. Elle en refera a
son confesseur, l'abbe de Premord, qui, dans une lettre d'ailleurs fort
sage, l'approuva d'avoir garde le silence. "Cet homme, dit George Sand,
etait un saint, un vrai chretien, dirai-je _quoique_ jesuite, ou _parce
que_ jesuite?" Et elle saisit cette occasion, dans l'_Histoire de ma Vie_,
pour nous donner son opinion--celle d'apres 1850--sur la Compagnie de
Jesus. "Soyons equitables, ecrit-elle. Au point de vue politique, en tant
que republicains, nous haissons ou redoutons cette secte eprise de pouvoir
et jalouse de domination. Je dis _secte_ en parlant des disciples de
Loyola, car c'est une secte, je le soutiens. C'est une importante
modification a l'orthodoxie romaine. C'est une heresie bien conditionnee.
Elle ne s'est jamais declaree telle, voila tout. Elle a sape et conquis la
papaute sans lui faire une guerre apparente; mais elle s'est ri de son
infaillibilite, tout en la declarant souveraine. Bien plus habile en cela
que toutes les autres heresies, et, partant, plus puissante et plus
durable. Oui, l'abbe de Premord etait plus chretien que l'Eglise
intolerante, et il
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