etait heretique parce, qu'il etait jesuite. La doctrine
de Loyola est la boite de Pandore."
Sa declaration de principe une fois formulee, George Sand va plaider les
circonstances attenuantes pour la Compagnie de Jesus. Il sera impossible
de souscrire a cette conclusion, pour peu que l'on ait devant les yeux et
dans la memoire les enseignements de l'histoire, l'oeuvre execrable de
l'Inquisition, les censures de l'Assemblee du Clerge de France, les
protestations de Bossuet et de Port-Royal, les arrets des Parlements et la
condamnation meme prononcee par le pape Clement XIV qui, en 1773,
dissolvait l'ordre des Jesuites, sans parler des debats engages en
Sorbonne autour du grand Arnauld a propos de l'_Augustinus_, non plus que
de l'echo, qui ne saurait s'affaiblir, des immortelles et vengeresses
_Provinciales_. En depit de son indulgence, George Sand est obligee de
repudier la morale, ou plutot l'immoralite jesuitique. "Dirai-je,
ecrit-elle, pourquoi Pascal eut raison de fletrir Escobar et sa sequelle?
C'est bien inutile; tout le monde le sait et le sent de reste: comment une
doctrine qui eut pu etre si genereuse et si bienfaisante est devenue,
entre les mains de certains hommes, l'atheisme et la perfidie." Voila les
deux mots auxquels il faut se tenir, et qui resument l'integrale verite
sur la doctrine du _perinde ac cadaver_.
Se tournant derechef vers l'abbe de Premord, Aurore lui demanda de
departager son esprit entre les sollicitations contraires de l'_Imitation_
et du _Genie du Christianisme_. Il repondit par le simple conseil--ce qui
est assez surprenant de la part d'un confesseur--de multiplier ses
lectures et de profiter de la latitude que lui avait laissee sa grand'mere
en la chargeant des clefs de la bibliotheque. Madame Dupin lui avait
montre le rayon des ouvrages qu'elle ne devait pas ouvrir. Pour le surplus,
c'etait la liberte absolue, et le jesuite se range a cet avis: "Lisez les
poetes. Tous sont religieux. Ne craignez pas les philosophes. Tous sont
impuissants contre la foi. Et si quelque doute, quelque peur s'eleve dans
votre esprit, fermez ces pauvres livres, relisez un ou deux versets de
l'Evangile, et vous vous sentirez docteur a tous ces docteurs."
Elle suivit le conseil et lut tour a tour Mably, Locke, Condillac,
Montesquieu, Bacon, Bossuet, Aristote, Leibnitz, Pascal, Montaigne--"dont
ma grand'mere, dit-elle, m'avait marque les chapitres et les feuillets a
passer,"--puis La Bruyere, Pope, Milton,
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