dirent une vague
paraphrase de Moliere proscrit au couvent. Elles prirent plaisir aux
pratiques de monsieur Purgon, avec des intermedes renouveles de _Monsieur
de Pourceaugnac_. On avait decouvert, dans le materiel de l'infirmerie,
les instruments classiques. Le latin de Moliere fut apprecie par les
Anglaises qui avaient l'habitude de lire ou de psalmodier les offices en
latin.
Cette representation marqua l'apotheose d'Aurore. Peu de temps apres, au
lendemain de l'assassinat du duc de Berry qui interrompit les
rejouissances theatrales preparees au couvent pour le carnaval, avec un
programme de violons, de bal et de souper, madame Dupin s'avisa de ramener
sa petite-fille a Nohant. Elle avait appris ses projets d'entrer en
religion, qui d'ailleurs subsistaient a travers les distractions
dramatiques, et elle ne se souciait pas qu'Aurore devint nonne ou beguine.
Il fallut quitter le couvent. O desespoir! C'etait le paradis sur la
terre. L'idee de revoir le monde, la perspective d'etre mariee,
epouvantaient cette imagination de seize ans. Par bonheur la mere et la
grand'mere ne devaient pas s'entendre pour choisir un pretendant. On
accorda quelque repit a Aurore. Elle esperait du moins qu'un rapprochement
pourrait survenir entre les deux influences qui s'etaient dispute son
affection. Mais, lorsqu'elle aborda ce sujet, sa mere lui repliqua
violemment: "Non certes! Je ne retournerai a Nohant que quand ma
belle-mere sera morte." Et elle ajoutait avec son humeur emportee et
aigrie: "Va-t'en sans te desoler, nous nous retrouverons, et peut-etre
plus tot que l'on ne croit!" Au debut du printemps de 1820, Aurore rentra
a Nohant avec sa grand'mere dans la grosse caleche bleue, et le lendemain
matin, quand elle s'eveilla, ce fut une sensation neuve et troublante:
"Les arbres etaient en fleur, les rossignols chantaient, et j'entendais au
loin la classique et solennelle cantilene des laboureurs." Le couvent
allait bientot s'effacer et disparaitre dans les brumes du passe.
CHAPITRE IV
LE MARIAGE
Le retour a Nohant fut pour Aurore un changement douloureux. Elle se
sentit d'abord depaysee et pleura. Sans doute elle etait libre, elle
pouvait dormir la grasse matinee et n'avait pas a craindre d'etre
reveillee par la cloche du couvent et la voix criarde de soeur
Marie-Josephe. Elle sortait de tutelle et disposait de son temps, de ses
pensees en toute independance: mais elle n'y trouvait aucun agrement. La
regle habituelle m
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