bre. Alors,
conclut George Sand, "il put revenir a la maison, ou il nous edifia tous
par sa gravite et sa sobriete le reste de la journee."
Le presbytere de Saint-Chartier etait une maison joyeuse. Manette etait
sourde, le cure de meme. Il disait d'elle: "Elle n'entend pas la grosse
cloche." Et il ne l'entendait pas davantage. Elle avait sauve la vie de
son maitre pendant la Revolution et elle le faisait marcher comme un petit
garcon, depuis cinquante-sept ans. C'etait un pretre, d'un modele rare,
jurant comme un dragon, buvant comme un templier. "Je ne suis point un
cagot, moi, disait-il sous la Restauration. Je ne suis pas un de ces
hypocrites qui ont change de manieres depuis que le gouvernement nous
protege; je suis le meme qu'auparavant et n'exige pas que mes paroissiens
me saluent plus bas ni qu'ils se privent du cabaret et de la danse, comme
si ce qui etait permis hier ne devait plus l'etre aujourd'hui." Il se
targuait d'etre un vieux de la vieille roche, n'aimait pas la loi du
sacrilege, non plus que de mettre de l'eau dans son vin. "Si l'archeveque
n'est pas content, qu'il le dise, je lui repondrai, moi! Et je me moquerai
bien de tous les archeveques du monde." Le prelat en fit l'experience.
Etant venu pour la confirmation a Saint-Chartier et dejeunant au
presbytere, il dit au cure, par maniere de badinage episcopal: "Vous avez
quatre-vingt-deux ans, monsieur le cure, c'est un bel age.--Oui-da,
Monseigneur, repliqua l'abbe en son libre langage, vous avez beau z'etre
archeveque, vous n'y viendrez peut-etre point!" Et, au dessert, impatiente
de la longueur du repas, il grommela entre haut et bas: "Ah! ca,
emmenez-le donc et debarrassez-moi de tous ces grands messieurs-la, qui me
font une depense de tous les diables et qui mettent ma maison sens dessus
dessous. J'en ai _prou_, et grandement plus qu'il ne faut pour savoir
qu'ils mangent mes perdrix et mes poulets tout en se gaussant de moi." Et
l'archeveque et son vicaire general de rire aux eclats.
Ayant une fois ete vole, le cure de Saint-Chartier se conduisit, au vrai,
a peu pres comme M. Myriel dans les _Miserables_: il refusa de denoncer le
coupable. Voila le brave homme de pretre qui forma la conscience
religieuse de George Sand. "L'Aurore, avait-il coutume de dire, est une
enfant que j'ai toujours aimee." Il ecrira a M. Dudevant: "Ma foi,
monsieur, prenez-le comme vous voudrez, mais j'aime tendrement votre
femme." Il frequentait chez les Dupin, ramenait
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