coliques
baillements, et ils m'ont legue cette secrete sauvagerie qui m'a rendu
toujours le monde insupportable et le _home_ necessaire."
Nous n'avons que de rares lettres de Maurice Dupin a sa femme et nous n'en
possedons point qui aient ete adressees a sa mere, durant la campagne de
1805. On sait toutefois qu'il participa a la serie d'operations militaires
qui devaient se terminer par l'occupation de Vienne. Mais il n'est pas
certain qu'il ait assiste a la bataille d'Austerlitz. Son avancement
s'effectuait avec lenteur. Depuis Marengo, il marquait le pas au grade de
lieutenant. Il s'en plaint dans sa correspondance. De la cette phrase de
l'_Histoire de ma Vie_, sans qu'on voie bien exactement s'il faut
l'attribuer a George Sand ou a son pere: "Chacun sous l'Empire songe a soi;
sous la Republique, c'etait a qui s'oublierait."
Nomme enfin capitaine du 1er hussards le 30 frimaire an XIV (20 decembre
1805) et chevalier de la Legion d'honneur a la meme epoque, Maurice Dupin
revint passer quelques semaines a Paris. Entre temps, la petite Aurore
avait ete mise en sevrage a Chaillot, chez la tante Lucie, soeur de sa
mere, qui avait epouse M. Marechal, officier retraite. Elle jouait avec sa
cousine Clotilde, leur fille, qui etait du meme age et qui fut la
meilleure amie de ses jeunes annees. On louait, pour promener les enfants,
l'ane d'un jardinier voisin, et on les placait sur du foin dans les
paniers qui servaient a porter les fruits, les legumes ou le lait au
marche, Caroline dans l'un, Clotilde et Aurore dans l'autre.
Voila le plus lointain souvenir qu'ait garde George Sand, ainsi que celui
d'un accident qui vers deux ans lui arriva. La bonne qui la tenait dans
ses bras la laissa tomber sur l'angle d'une cheminee. Ce fut pour l'enfant
comme un eveil de la sensibilite. La venue du medecin, les sangsues, le
depart de la bonne, sont restes graves dans sa memoire. A quatre ans, elle
savait lire et elle recitait sans broncher ses prieres, n'y comprenant
rien, sauf ces quelques mots qui la touchaient: "_Mon Dieu, je vous donne
mon coeur._" C'etait, assure-t-elle a distance, le seul endroit ou elle
eut une idee de Dieu et d'elle-meme. Le _Pater_, le _Credo_ et l'_Ave
Maria_, qu'elle disait en francais, lui etaient aussi inintelligibles que
si elle les eut appris en latin. Quant aux fables de La Fontaine, elles
lui etaient pareillement lettre close. A la reflexion, elle les juge trop
fortes et trop profondes pour le premier a
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