vres et des documents qui m'apprendraient le
role qu'avait joue le commandant dans les deux conspirations de
Louis-Napoleon. En faisant une sorte d'enquete parmi mes amis j'avais
des chances de tomber sur quelqu'un qui aurait eu autrefois des
relations avec le commandant de Solignac ou l'aurait approche d'assez
pres pour me dire qui il etait; mais ce moyen pouvait eveiller la
curiosite, et une fois la curiosite excitee on pouvait apprendre ma
visite a Cassis; et je ne le voulais pas, autant par respect pour
Clotilde que par jalousie, je ne voulais pas qu'on put soupconner mon
amour.
Quand je fis ma demande au bibliothecaire, que j'avais rencontre chez un
ami commun et qui me connaissait, il me regarda en souriant.
--Vous aussi, dit-il, vous voulez etudier les conspirations de
Louis-Napoleon?
--Cela vous etonne?
--Pas le moins du monde, car depuis deux ans plus de cent officiers sont
venus m'adresser la meme demande que vous. C'est une bonne fortune pour
notre bibliotheque qui n'etait point habituee a voir MM. les officiers
frequenter la salle de lecture. On prend ses precautions.
--Croyez-vous que je veuille apprendre l'art de conspirer?
--Nous ne nous inquietons des intentions de nos lecteurs, dit-il en
remontant ses lunettes par un geste moqueur, que lorsque nous avons
affaire a un collegien qui nous demande _la Captivite de Saint-Malo_ de
Lafontaine pour avoir les _Contes_, ou bien un Diderot complet pour lire
_les Bijoux indiscrets_ et _la Religieuse_ en place de l'_Essai sur
le Merite et la Vertu_. Mais avec un officier, nous ne sommes pas si
simples.
--Pour moi, cher monsieur, vous ne l'etes point encore assez et vous
cherchez beaucoup trop loin les raisons d'une demande toute naturelle.
--Je ne cherche rien, mon cher capitaine, je constate que vous etes le
cent unieme officier qui veut connaitre l'histoire des conspirations de
Louis-Napoleon, et je vous assure qu'il n'y a aucune mauvaise pensee
sous mes paroles. Pendant dix ans, les documents qui traitent de ces
conspirations n'ont point eu de lecteurs, maintenant ils sont a la mode;
voila tout.
Blesse de voir qu'on pouvait me soupconner de chercher a apprendre
comment une conspiration militaire reussit ou echoue, je me departis de
ma reserve.
--Les circonstances politiques, dis-je avec une certaine raideur, ont
fait rentrer dans l'armee des officiers qui ont pris part aux affaires
de Strasbourg et de Boulogne; nous sommes tous exposes a av
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