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que je vois de mes yeux sans regard. A son pere, mon fils a
prefere la femme qu'il aimait et qu'il avait epousee par un
mariage nul. Au lieu de revenir pres de moi, il a accepte de vivre
pres d'elle, parce que je ne pouvais ni ne devais la recevoir.
J'ai espere qu'il cederait; il a du croire que je cederais moi-
meme. Mais nous avons le meme caractere: nous n'avons cede ni l'un
ni l'autre Je n'ai plus eu de ses nouvelles. Apres ma maladie
qu'il a certainement connue, car j'ai tout lieu de penser qu'on le
tenait au courant de ce qui se passe ici, j'ai cru qu'il
reviendrait. Il n'est pas revenu, retenu evidemment par cette
femme maudite qui, non contente de me l'avoir pris, me le garde,
la miserable!..."
Perrine ecoutait, suspendue aux levres de M. Vulfran, ne respirant
pas; a ce mot, elle interrompit:
"La lettre du pere Fildes dit: "Une jeune personne douee des plus
charmantes qualites: l'intelligence, la bonte, la douceur, la
tendresse de l'ame, la droiture du caractere", on ne parle pas
ainsi d'une miserable.
-- Ce que dit la lettre peut-il aller contre les faits? et le fait
capital qui m'a inspire contre elle l'exasperation et la haine,
c'est qu'elle me garde mon fils, au lieu de s'effacer comme il
convient a une creature de son espece, pour qu'il puisse retrouver
et reprendre ici la vie qui doit etre la sienne. Enfin par elle
nous sommes separes, et tu vois que, malgre les recherches que
j'ai fait entreprendre, je ne sais meme pas ou il est; comme moi,
tu vois les difficultes qui s'opposent a ces recherches. Ce qui
complique ces difficultes, c'est une situation particuliere que je
dois t'expliquer, bien qu'elle soit sans doute peu claire pour une
enfant de ton age; mais, enfin, il faut que tu t'en rendes a peu
pres compte, puisque par la confiance que je mets en toi, tu vas
m'aider dans ma tache. La longue absence, la disparition de mon
fils, notre rupture, le long temps qui s'est ecoule depuis les
dernieres nouvelles qu'on a recues de lui, ont fatalement eveille
certaines esperances. Si mon fils n'etait plus la pour prendre ma
place quand je serai tout a fait incapable d'en porter les
charges, et pour heriter de ma fortune quand je mourrai, qui
occuperait cette place? A qui cette fortune reviendrait-elle?
Comprends-tu les esperances embusquees derriere ces questions?
-- A peu pres, monsieur.
-- Cela suffit, et meme j'aime autant que tu ne les comprennes pas
tout a fait. Il y a donc pres de moi, pa
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